commentaire pour “la gare dans les vignes”

la gare dans les vignes.

Ce morceau essaie de dire l’exil d’une façon en quelque sorte « déterritorialisée ». Le sentiment de l’exil est un sentiment qui m’est familier et qui à certains moments de ma vie, plutôt anciens, m’a saisi de manière poignante. Mais ici le sentiment de l’exil est éprouvé autrement que dans le déplacement de lieu (lequel est néanmoins signifié par l’impossibilité où est le narrateur de partir), il l’est dans l’amitié, dans l’amour et dans la fraternité.

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commentaire pour « manteaux »

manteaux.

Ce morceau a été écrit une minuit d’avril que les nuits étaient encore fraîches, sous le grand burnous noir ramené vingt ans auparavant du Maroc, qui m’a toujours accompagné depuis et qui me sert souvent de couverture d’appoint. Le hashish que j’avais fumé dans la soirée me faisait jouir de la position de mon corps et de la sensation du manteau sous lequel il reposait. Il m’est alors venu à l’esprit que c’était là, ce manteau sans couture, l’un des plus anciens, sinon le plus ancien, et le plus constant vêtement de l’humanité. A l’époque je n’étais encore jamais allé en Inde et je n’y avais donc pas encore découvert les merveilleux châles de Kullu ou du Cachemire, à quoi correspond mieux la description que je fais (« les couvertures les plus chaudes, les plus souples et les plus légères ») qu’à mon lourd burnous marocain.

J’ai eu un peu de scrupule à laisser Socrate assis au pied d’une église mais on comprendra, je l’espère, qu’il s’agit là d’une manière d’évoquer l’intemporalité du vêtement. D’ailleurs l’église que j’imaginais en écrivant était celle de Santo Spirito, oltr’Arno, à Florence, construite à l’époque où l’humanisme italien ressuscitait le dialogue socratique. De façon analogue, en décrivant la fuite à travers les montagnes de Médie, je pensais à la longue marche des Pieds Noirs de Chef Joseph vers la frontière canadienne. Je ne peux évidemment pas espérer éveiller les mêmes images chez le lecteur mais j’espère que l’incongruité même des précisions en évoquera de semblables tirées de son trésor de mémoire propre.

dans les ruines

Allongé dans la chambre que je me suis faite au sein des ruines, je fume une cigarette et je regarde la lumière d’un pâle soleil s’épandre sur ma couche. Il a plu tous ces jours-ci et le ciel reste menaçant. Le soleil cependant perce aujourd’hui, quelques longues plages, le plus souvent à travers une nappe blanche de nuages, et ici de plus entre les branches d’un petit arbre qui pousse non loin devant ma fenêtre. Après les fatigues de ces derniers jours (mon arme est posée droite à un angle des murs), ce moment est très doux. Tout affaibli qu’il soit le soleil réchauffe le pan de mur humide. Et je lève la tête vers la voûte au-dessus: ces gens-là savaient vraiment bâtir, nous, barbares, ne saurions pas mais nous aimons vraiment nous installer dans les ruines, nous y aménager un rapide confort. Ma cigarette se termine. Mes doigts étaient trop gourds, hier, pour que je puisse rouler, jusqu’à ce que nous allumions un feu au milieu de l’église.

bouchées

Elle me dit, en fronçant les sourcils, « Ne pourrait-on manger un peu plus ? Je n’ai mangé que trois petits bols de riz et j’ai les fesses glacées. » Lire la suite

Les quais, sauf aux premières heures du jour…

Les quais, sauf aux premières heures du jour, restaient dans l’ombre. Et tout au long de la journée la rive d’en face était baignée de soleil.

L’autre côté est plat, sans constructions ou quelques huttes de cannes. Toutes sortes d’oiseaux limicoles fréquentent les herbes, les joncs et les nénuphars flottants qui bordent la rivière.

Aux premières heures du jour seulement, la lumière très oblique du soleil éclaire cette partie de la ville qui regarde le fleuve, les façades des hauts palais qui dominent le fleuve. Un homme me dit: « Je t’ai vu à Bahawalpur, il y a plusieurs années, et tu étais parmi les musulmans! »

Une voix répond: « Non, je ne sais pas de quoi tu parles. Je n’ai jamais été à Bahawalpur et je suis ici pour rencontrer celui qui, sur le talus de la rivière, joue de la flûte, pour charmer les vachères. »

Mais l’homme: « Je t’ai vu à Bahawalpur parmi les porteurs de barbe, parmi les hommes aux longues robes et tu remuais les mains. Les hommes autour de toi hochaient la tête et souriaient de plaisir. »

Pourtant à Bahawalpur je quittais rarement la chambre et, lorsqu’il m’arrivais de sortir du petit appartement pour marcher un peu sous le soleil, je ne parlais à personne.

La pluie va tomber, les feuilles des quelques bosquets qui restent au bord du fleuve vont briller comme couvertes de salive mais le vacher à la peau bleue restera invisible.

Nemo à Mathura

(Nemo m’accompagnait, il m’a accompagné pendant tout ce trajet. Il m’a accompagné secrètement, caché de moi. Ce n’est qu’aujourd’hui, une fois rentré à Nice, à Nice que le gris du ciel, la petite pluie fine, rend plus européenne encore, ce n’est qu’aujourd’hui que je l’entrevois, que je le remarque, comme une ombre, un double, un décalage de moi-même. Un fantôme, une présence plus qu’une forme.

Il attendait la fin de l’après-midi, lorsque la chaleur fléchissait, pour aller se promener sur les quais.) Lire la suite

le fils de la blanchisseuse

De nombreuses années se sont passées sans que je revienne. Lorsque le nom de X. traverse mon esprit, comme en ce moment même, une image l’accompagne, un souvenir, d’enfants en uniformes noirs qui courent vers la mer, de petits garçons en uniformes noirs, en casquettes noires à visières vernies, qui descendent en courant vers la mer. Etais-je l’un d’eux ? Une course rapide et qui paraîtrait désordonnée si nous ne portions tous, grands et petits, la même veste noire à col droit, si nous ne gardions tous la même casquette vissée au crâne. Etais-je l’un de ces garçons?

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le peintre

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terrasse à Udaipur

Sur la terrasse d’un hôtel et le palais brillait dans le lointain et semblait dans la nuit une gigantesque pièce de joaillerie. Soni au milieu de ses garçons, ils mélangeaient du gin et du Thumb’s up. Ils se passaient la cigarette blonde à bout filtre que l’un d’eux avait allumée. J’étais là, moi, au milieu, je mangeais lorsqu’ils ne faisaient que picorer et je buvais de la bière. Et je les regardais, hébété et ignorant, voyageur, fatigué aussi et détaché.

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