commentaire pour “la gare dans les vignes”

la gare dans les vignes.

Ce morceau essaie de dire l’exil d’une façon en quelque sorte « déterritorialisée ». Le sentiment de l’exil est un sentiment qui m’est familier et qui à certains moments de ma vie, plutôt anciens, m’a saisi de manière poignante. Mais ici le sentiment de l’exil est éprouvé autrement que dans le déplacement de lieu (lequel est néanmoins signifié par l’impossibilité où est le narrateur de partir), il l’est dans l’amitié, dans l’amour et dans la fraternité.

Il s’agit du montage de deux rêves, le second beaucoup plus évanescent, venant s’encastrer dans le premier. La dernière fois que j’avais rencontré le couple d’amis dont il est question dans le premier rêve, celui de la gare, nous avions eu, lui et moi, en présence d’autres, une conversation qui tourna dure. Plus exactement, mon ami réagit très mal et violemment à ce que je venais de lui dire. Comme si je l’avais blessé. Ce qui ne m’était pas apparu du tout sur le moment. Ce que le rêve figure et ce que j’en éprouve, cependant, dépasse ce qui s’était passé à ce moment-là, il s’agit de quelque chose de plus archaïque, un sentiment d’inadéquation et d’incompréhension, d’exil sans doute, qui est en moi plus profond et plus essentiel. Le sujet de cette conversation n’intéresse pas le morceau proposé ici. Ce qui, en revanche, l’intéresse, c’est que la conversation eut lieu lors de ma dernière visite à Paris. D’où l’évocation, dans le second rêve, de la capitale, et d’une période beaucoup plus ancienne, les derniers temps de mon habitation à Paris. Sans être littéralement la figuration d’un souvenir, ce second rêve rappelle un moment très précis, une journée même.

L’exil est dit dans l’amitié, dans l’amour et dans la fraternité (dans ce dernier cas en mineur et en même temps que son inverse). L’exil au sens propre est cependant évoqué par le thème du voyage et par l’empêchement où se trouve le narrateur de voyager lui-même. C’est une évocation par le contraire (puisque mes amis rentrent chez eux et que moi, je ne pars pas). J’ai souvent éprouvé le déplacement, le voyage, comme le lieu paradoxal de ma véritable patrie, il m’est souvent arrivé de me sentir « chez moi » à me réveiller dans une cabine de train ou au bord d’un fleuve étranger du bout du monde.