Tu vins d’abord dans la capitale, la ville sur les plateaux. On m’a raconté que tu l’as surpris avec une indienne dans son lit, et qu’il a été embarrassé et mécontent, très mécontent de cette surprise que tu lui faisais, Lire la suite
Amérique latine
Moros y cristianos
Nous étions en train de manger en silence, on nous avait servi une écuelle de riz et de haricots rouge mélangés d’un peu de viande. Un ragoût pimenté. Et il y avait ces hommes basanés, assis un peu plus loin près du bar. Des indiens ou des mestizos, c’est l’un d’eux, à la peau plus claire, qui a haussé la voix, feignant d’abord de ne s’adresser qu’à ses compagnons. Comme elle a la peau blanche cette pelirroja (en réalité elle n’était pas rousse, elle était blonde mais ses cheveux avaient les reflets roux de ce qu’on appelle le blond vénitien, comme la Flora du Titien).
Lire la suiteAguirre
Aguirre ou la colère de Dieu, deux scènes. Celle dont je me souvenais, la dernière, le radeau qui flotte au milieu du fleuve vers l’embouchure et les saimiris, Aguirre seul qui parle au singe, mais celle qui me revient à revoir le film tout à l’heure, Lire la suite
Iquitos (le docteur Finch)
Le docteur Finch n’était pas quelqu’un de vraiment sympathique, quand on y réfléchissait. Ça n’apparaissait pas tout de suite, sinon par un air un peu de biais. Lire la suite
cabane (2)
C’est toujours ainsi: un moment du temps, une lumière, une température, une humidité, un moment, quelque chose d’intérieur aussi, une distance du sommeil, un état du ventre, un moment de la digestion, un goût de la bouche. Un arrangement de traces, de restes. Et c’était un commencement. Il était sorti sur le seuil de la cabane et regardait la première lumière matinale emplir la vallée, comme descendue, lentement coulée des montagnes sur les pointes desquelles le soleil avait d’abord cassé la nuit. La lumière était rose et dorée et elle lui semblait refléter la chair de l’endormie, de l’encore endormie derrière lui, dans l’obscurité de la cabane. Lire la suite
chinga
Elle gardait les yeux sur son assiette, n’avait pas compris, moi oui.
Je n’ai pas non plus levé les yeux de mon assiette mais derrière mon crâne s’est ouverte une trappe invisible et mon troisième œil a fait le tour de la pièce, a palpé le moindre angle et la moindre table. Un a dit: « Cette fille, on dirait la Sainte Vierge. » et un autre a répondu entre ses dets « Se chinga, puta madre!« . Ils se sont tus et pendant une minute que le silence a duré, j’ai senti leurs regards comme des épingles sur ma nuque et sur ses joues, ses bras. J’attendais la suite et je cherchais quoi faire. Et je ne trouvais rien. Je poussais du bout de la fourchette le riz dans mon assiette, appétit coupé, dents serrées. La suite est venue: « L’homme, dis à ta pute de venir nous faire des pipes. » Je tapotais maintenant le bout de la fourchette sur l’assiette. Elle m’a regardé avec surprise : mes mains tremblaient. « Et l’homme, tu es sourd? » Une troisième voix : « Il chie dans son pantalon. » J’ai pris une inspiration, j’ai croisé le regard de C., je me soulevais, les mains posées sur la table, mais son regard n’est pas resté dans le mien: aussi régulièrement qu’il s’était levé vers moi, il s’est tourné vers la droite, vers les hommes, avec la même surprise…
Quelque chose avait changé en elle, quelque chose de stupéfiant, et pour la première fois je me suis dit que je la désirais.
distances, voie lactée
- Distances … Voie lactée
- Sie gleicht einem ewigen Nebelstreif
- den eine schwache Helle durchschimmert[1]
- Lorsque du haut de ces montagnes
- ou sur l’eau lisse par une nuit sans lune
- Le monde est plein de dieux
- et il n’est de sens que moral
Cabane
1.
Elle dormait. J’étais sorti marcher devant la cabane sous les étoiles. J’avais la tête vide et froide, claire comme la nuit. Pour la première fois depuis des jours. La nuit était froide.
Céramique
Colonnettes trop minces et deux tons de bleu. Clair. Du sang arabe. Et des carreaux en plinthe sous la fenêtre. Du Delft.
Les hommes déposaient leurs fusils à l’entrée, on amenait les poissons géants du fleuve, roses et bleus, décorés de mayonnaise, l’arête dorsale dressée comme un éventail de céramique.
vol
D’un instant seul, un trait de temps, quelques minutes de nuit, ce n’est pas un blason de toi que je veux faire, c’est tracer les limites et le plan et bâtir les structures, les parois d’un séjour éternel auprès de la blondeur de tes cuisses. Encercler, dessiner, délimiter, souligner les linéaments, articuler quelques instants de nuit. Car, comme le vol s’élève, le ciel devient nuit, se purifie de la blancheur qui le faisait jour.