Elle gardait les yeux sur son assiette, n’avait pas compris, moi oui.
Je n’ai pas non plus levé les yeux de mon assiette mais derrière mon crâne s’est ouverte une trappe invisible et mon troisième œil a fait le tour de la pièce, a palpé le moindre angle et la moindre table. Un a dit: « Cette fille, on dirait la Sainte Vierge. » et un autre a répondu entre ses dets « Se chinga, puta madre!« . Ils se sont tus et pendant une minute que le silence a duré, j’ai senti leurs regards comme des épingles sur ma nuque et sur ses joues, ses bras. J’attendais la suite et je cherchais quoi faire. Et je ne trouvais rien. Je poussais du bout de la fourchette le riz dans mon assiette, appétit coupé, dents serrées. La suite est venue: « L’homme, dis à ta pute de venir nous faire des pipes. » Je tapotais maintenant le bout de la fourchette sur l’assiette. Elle m’a regardé avec surprise : mes mains tremblaient. « Et l’homme, tu es sourd? » Une troisième voix : « Il chie dans son pantalon. » J’ai pris une inspiration, j’ai croisé le regard de C., je me soulevais, les mains posées sur la table, mais son regard n’est pas resté dans le mien: aussi régulièrement qu’il s’était levé vers moi, il s’est tourné vers la droite, vers les hommes, avec la même surprise…
Quelque chose avait changé en elle, quelque chose de stupéfiant, et pour la première fois je me suis dit que je la désirais.
Une réflexion sur “chinga”
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