les soldats

Là, entre les casernes et la vieille usine, ils faisaient leurs exercices, sous un ciel gris et bas, ou jouaient au football. Jamais pendant les exercices mais quelquefois pendant qu’ils jouaient, des jeunes filles venaient, en groupes de trois ou quatre, celles qui avaient été leurs amies ou leurs fiancées. Elles les regardaient en silence, elles restaient debout, les doigts dans les mailles du grillage, de ce qui restait de grillage autour du terrain, la tête droite ou penchée. A la mi-temps quelques-uns d’entre eux venaient vers les jeunes filles, contre le grillage. Ils essayaient de rire, de les faire rire, ils parlaient tristement et à voix basse. Elles hochaient doucement la tête et ne restaient pas longtemps.

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les commissaires

Ils arrivent à l’improviste, ne restent nulle part très longtemps. Ils doivent penser très vite. Chacun a sa méthode. Un tel est d’une froideur de glace, mange dans sa chambre d’hôtel des repas austères dont il ordonne et surveille avec le plus grand soin la préparation, un autre aime parler de littérature et de musique et passer de longs moments dans les cafés, un autre encore semble toujours amoureux, s’interrompra brusquement pour téléphoner à une femme à l’autre bout du monde. L’important est qu’ils ne se trompent jamais, leur autorité vient de là, ils ne se trompent jamais et on ne peut les prendre en faute.

Les portes des usines, les livres de comptes, les procès verbaux, les archives leur sont ouverts, ils peuvent destituer directeurs et délégués, organiser des élections. Ce n’est pas une règle mais en général ils n’écrivent pas, ne prennent pas de notes, ne font pas de rapport, ils ne laissent rien derrière eux. Pour l’argent, ils demandent et on leur donne ce qu’ils demandent, ils n’ont pas à en rendre compte.

Ils sont incorruptibles parce qu’ils jouissent de leur autorité et de la parfaite justesse de leurs interventions, ce sont des héros. Il est possible qu’il y ait d’autres agents, ceux-là chargés de les surveiller et de les supprimer au moindre écart mais de ceux-là on ne sait évidemment rien, rien du tout. Il arrive, très rarement, qu’un agent soit abattu ou qu’il disparaisse dans un accident louche. On peut alors supposer qu’il a été victime de privilégiés locaux, on peut supposer aussi qu’il a été supprimé parce qu’il a fait une erreur. Ce qui, du reste, revient à peu près au même.

Ce héros attend dans une petite chambre d’hôtel carrée le coup de fil de son correspondant (« J’essaierai d’avoir un accès mais je ne peux pas te dire quand je te téléphonerai. En attendant ne sors pas tant qu’on n’a pas le renseignement, ce n’est pas la peine. »). La machine travaille, qu’elle crache une liste, un morceau de papier. Le héros attend le coup de téléphone de son correspondant, allongé sur la couverture pieds nus il fume une cigarette. On cogne sur la porte.

20210705

l’île du lion (le rêve)

Je me tourne sur le matelas. Longtemps que j’ai perdu l’habitude de me lever au premier réveil. Ça fait plusieurs jours que nous tirons plein nord et je commence à sentir un peu de froid, surtout un méchant courant d’air qui me passe sur la tête. Je mets un pan de drap par-dessus et j’essaie de retrouver le fil du rêve interrompu.

Le navire est au mouillage, seul au milieu de la baie. Il est près de midi. L’air est frais, soleil de décembre, pas un nuage. Je m’accoude au bastingage, je fume une cigarette en clignant des yeux, ébloui par le soleil. Pas de bruit sauf un cri d’oiseau et le petit signe noir dans le ciel seul mouvement ou par moment une rafale de vent qui frise la surface de l’eau et fait siffler le métal du navire et clapoter l’eau contre la coque. Le spectacle est net. Le relief de l’île, les collines jaunes avec des petits bouts de forêts sur les hauteurs, plutôt pelé dans l’ensemble. La terre ocre jaune caillasse en reliefs une série de rides verticales. Sur la gauche de la plus haute colline l’herbe est sèche et jaune roux où elle pousse plutôt sur l’ubac, les arbres par taches plus ou moins denses, les yeuses vert noir clairsemées ou les oliviers vert gris au-dessus de la ville qui est à gauche sur la baie, un peu au-dessus du niveau de l’eau. Ce qu’accoudé au bastingage, au sortir de l’escalier de coursive, ce qu’on voit d’abord dans le balancement vertical masse de pierre terre qui émerge de la surface bleu nuit et le silence, nulle vie pas un nuage au ciel et les arbres, ce ne sont que de très vagues nuances vertes par endroits, comme perdue dans l’ombre. Et à gauche, un peu au-dessus du niveau de l’eau, il y a un village ou une petite ville, le haut du village est abandonné, la peinture est tombée, des maisons sans toit et des maisons sans fenêtres, dessous quelques maisons peintes qui semblent habitées, juste au-dessus de la petite falaise, de l’escarpement rocheux, de rocher gris noir percé de quelques trous comme à dessein. De celui le plus important et où la mer pénètre, qui est à gauche, sort une passerelle ou embarcadère sur pilotis.

En milieu de matinée le canot à moteur est mis à la mer. Il ramène le maire et son conseiller. Je les accompagne. On les laisse au pied d’un escalier taillé dans le rocher, serrent les mains, puis le canot continue le long de l’escarpement rocheux. Me laisse, moi, en face de l’ouverture noire, sur le débarcadère. « Nous reviendrons vous prendre à cinq heures, me dit le matelot, à bientôt monsieur. »

Des couloirs dans la falaise. Au bout la bibliothèque, éclairée par des lampes à huile fixées sur les murs. Je rencontre quelques habitants, qui marchent dans la bibliothèque, avec ou sans livre, sans faire attention à moi. Des hommes vieux en robes longues. Il y a beaucoup de couloirs, je continue. Il y a plus de monde, pas seulement des vieillards maintenant, des hommes de tous âges et des femmes. Ils marchent ou lisent debout. Je n’en vois pas parler mais j’entends une rumeur de voix très basse. J’arrive dans une salle carrée où il y a tant de monde que j’ai de la peine à me frayer un passage. Il y a un éboulis qui donne dans la ville, dans la partie habitée de la ville. Des enduits clairs, bleu pâle, rose, jaunes et blancs, une grosse femme qui vend des pastèques, un âne qui passe chargé de légumes et à droite une terrasse de café ombragée d’une vigne, où il y a des vieux qui parlent et qui jouent aux cartes. Je continue à marcher vers l’amont. En amont les maisons sont abandonnées, l’enduit peint est tombé par plaques, certaines n’ont plus de toit, pour la plupart il y manque des tuiles, certaines ne sont plus qu’une façade, il y a des pans de mur effondrés, les plus riches sentent la pisse, l’herbe pousse au milieu de la rue, des valérianes rouges sur les remblais, des petits figuiers s’enracinent au pied des murs, écartent les moellons.

En haut de la ville il y a un mur, pas très haut et en mauvais état, entre les dernières maisons vides et la colline. Au-delà du mur en amont il y a les collines, des terrasses avec des oliviers. Et au milieu du mur un éboulis, un tas de cailloux. C’est une brèche dans le mur et à l’endroit de cette brèche il y a un tas de cailloux, assez haut, et des enfants sur ce tas de cailloux, des garnements, l’homme qui passe à leur portée, ils lui jettent des pierres. Sûrement que là-haut ils attendent une bande rivale. Ou simplement ils gardent l’accès des collines. Prudemment je fais un long détour pour les éviter. Ou plutôt: je débouche devant le mur, au pied de la brèche. Ils me jettent des pierres. Alors je m’enfuis le long du mur. Ils se lancent à ma poursuite. Je prends à gauche, je rentre dans le village puis, après un petit détour, je reviens vers la brèche, ils sont tous derrière moi, un peu distancés. Il n’y a pour garder la brèche que deux petits, surpris par mon retour, qui n’ont que la ressource de siffler. Je grimpe sur le tas de pierre et je monte dans la colline. Ils ont abandonné la poursuite. A partir de là ça tient de la parabole. Au-dessus des oliviers c’est pelé, quelques genêts et des herbes sèches. Je rencontre plusieurs bêtes, jusqu’à ce qu’en haut, à l’heure de midi, je rencontre le lion.

A cinq heures je suis au rendez-vous sur l’embarcadère. C’est seulement sur le canot qui me ramène au bateau que je m’aperçois que je tiens un livre dans la main gauche. Je l’ai pris ou quelqu’un me l’a donné dans la bibliothèque. Il a sur la gouttière un fermoir assez complexe. Je renonce à l’ouvrir. Je remonte sur le bateau et je suis très fatigué. Je mange un morceau et je vais me coucher. Je m’endors tout de suite.

enroulé

Enroulé dans un sac de couchage tout à côté de la salle des machines. J’ai fait presque tout le voyage enroulé dans un sac ou dans des couvertures à même le sol, dans l’entrepont, pas loin de la salle des machines. Il y avait tout le temps le bruit des machines. Continuellement. Je m’endormais, rêvais, me réveillais avec le bruit des machines. Je dormais presque tout le temps. Non, c’est un peu exagéré, je dormais beaucoup, beaucoup plus que d’habitude, et je rêvais beaucoup. Je passais aussi beaucoup de temps allongé dans mes couvertures à me remémorer mes rêves, à me les raconter. Lorsque je me levais, j’allais dans la cuisine. Lire la suite

La tête de l’Aphrodite de Cnide au Louvre

Elle est de marbre blanc et mat et le cheveu
au creux des mèches garde une trace de roux
le devant de la face est sali d’une bande
verticale de gris sur le front et le nez
les lèvres le menton mais la joue reste pure
le marbre là très blanc et brillant de paillettes
je m’approche jusqu’à le retour de mon souffle
sur ma bouche sentir le dessin de la joue
pour moi est signe qui ne peut laisser de doute
comme une morte ainsi la déesse se donne
le visiteur impie rompt le trouble en posant
sur la beauté ses doigts et par ce toucher laisse
dans le marbre poreux des fragments de la peau
grise et morte déjà qui entoure son corps
mais la joue est de neige et pure à mon baiser
aussi l’espace opaque entre les lèvres bées
et deux filets aux coins deux traces de salive
le mortel qu’on trouva dans le temple de Cnide
auprès de la statue de son foutre souillée
il était moins troublé peut-être par le corps
que devant le visage à présent je ne suis
mes lèvres ni mes doigts ne toucheront le marbre.

(octobre 1978)

Ravenne

L’homme du soir à Ravenne. La nuit tombe. Il sait que jamais homme ne fut aussi savant que lui mais il perd la mémoire, sa langue trébuche, ses mains perdent leur agilité. Il n’a rien à inventer. Il résiste à la nuit qui tombe sur lui. La ville se vide.
Anecdote: il est pauvre, il est obligé de vendre ses livres. Il ne sert plus à rien. Il confond le Nil et le Danube.
Les jardins, les terrains vagues tout autour de la ville. L’herbe pousse sur la chaussée des rues. Des immeubles en ruines.
Les rues vides.
La pluie. Soleil. Il marche dans la campagne ravennate. Plaine. Le cœur toujours étreint par l’angoisse.
Il va chez le patrice. Il parle. On l’écoute à chaque fois stupéfait. Mais lui, sans que personne le remarque, s’embrouille, mélange les dates et les lieux.

J’ai peut-être trop attendu. Pourtant rien n’est changé. Les faubourgs sont pleins d’hommes. Comme lui je suis perdu, amer et j’ai l’envie de rendre.

« Les prairies à l’intérieur de la ville et les jardins commencent à fleurir et, sous peu, l’ombre des feuilles couvrira les petits sentiers, si bien que ceux qui les parcourent croiront que les avenues n’ont pas été ouvertes dans une ville mais en pleine montagne. »[1]

[1] description de Constantinople au printemps par Démétrios Kydones (vers 1320 – vers 1398)

Ravenne (mémoire)

À Ravenne le temps est couvert et j’ai mal à la tête. Il fait lourd. Je crois je transpire un peu, mauvaise sueur, aigre. Envie d’un café. Nous cherchons un café.

Je me souviens d’une rue assez large, presque déserte. Le ciel est gris et bas. Il fait pourtant clair. Les rues sont vides. Nous n’avons pas encore bu de café. La brique encore mais bien différente de ce qu’elle est à Sienne, plus sombre, plus rouge. Je me souviens d’une rue assez large, presque déserte. Plus loin des maisons avec des jardins, comme si nous étions dans les faubourgs. Mais je ne suis pas sûr: une rue assez large, presque déserte et de très larges trottoirs. Des façades décolorées et plates sauf un balcon au-dessus de la porte. Un palais de briques en retrait et un ou deux mètres sous le niveau de la chaussée, plat comme un décor de théâtre.

Je regarde le plan de la ville dans le guide Michelin pour tâcher de me rappeler le déroulement exact des deux heures passées à Ravenne. Mais impossible. D’ailleurs le plan de la ville est très confus, les rues souvent courbes, rarement orthogonales. Il me faudrait voir le plan du Guide Bleu, je crois que c’est sur lui que nous nous sommes guidés. Je relis aussi mes notes, il n’y a à peu près rien sur Ravenne. J’essaie cependant de rappeler mes souvenirs: Nous ne nous sommes pas arrêtés à Sant’Apollinare in Classe à l’aller. Ou plutôt, nous nous sommes arrêtés, nous sommes allés jusqu’à la grille de la Basilique mais elle était fermée.

Nous avons garé la voiture sur une petite place du quartier nord, non loin de San Vitale. Nous avons visité San Vitale, arrivés par une rue pavée et sans trottoirs. Clarté. Ensemble monumental bas, rouge, sur une pelouse verte. Touristes américains ou canadiens, pas d’Italien. Puis le mausolée de Galla Placidia, rempli d’un échafaudage. Nouvelle frustration. Puis le baptistère des Ariens.

Après ça se brouille.

Rouleau 掛軸

Tout en haut le ciel, et dans le ciel, ou peut-être faut-il dire sur le ciel, le texte, les caractères à l’encre très noire, qui ne sont pas le paysage et pourtant qu’on attend là et qu’on serait désappointé de ne pas trouver. Souvent d’ailleurs plusieurs textes, de mains différentes, et aussi les cachets à l’encre rouge et grasse.

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Monte Olivetto (mémoire)

Ce matin on aura, malgré un ciel très nuageux, du soleil.

On est parti de Sienne par la route de Rome. On l’a quittée à Buonconvento pour visiter l’abbaye du Monte Olivetto. Une route pas très large sur des collines de terre sableuse, grise et ravinée, qui suit à peu près les crêtes émoussées, mais à droite une pente forte et profonde. Et il se fait que la route vire à main droite et descend un peu par une sorte de baisse. Et devant elle remonte dans un bois de cyprès où se voient des pans de murs de l’abbaye. Et tout autour de ce bois les olivettes.

Au milieu du bois il y a une grosse tour de briques à mâchicoulis et devant cette tour un parc carré où laisser les voitures. Le parc est vide. On gare. La tour est ouverte et la route passe dessous. De chaque côté au-dessus de l’arcade une terre cuite vernissée de l’école de della Robbia: la Vierge vers l’extérieur, Saint Benoît vers l’intérieur.

Et suivi une allée, étroite, pavée de briques et envahie d’herbes, plus droite que la route. Les cyprès sont mouillés et leur odeur est forte. Cent ou deux cents mètres.

Et lorsqu’on approche, devant apparaissent les hauts murs, tout de briques belges, de l’abbaye. Et ici c’est l’abside de l’église, et sur le haut du mur il y a deux ouvriers occupés à quelque travail de restauration ou que sais-je, dans le soleil et qui plaisantent à voix haute. Un premier moine dans le vestibule, ce sont des bénédictins en robe blanche, indique le chemin du cloître que nous voulons voir. Il nous accompagne puis nous laisse.

Le cloître est large, construit sans artifice d’élégance, avec des piliers carrés et de briques plus rouges, et ainsi les arcs, et surtout il est fermé sur le préau par des vitres. Et à travers ces vitres on regarde les plantes en pots dans le préau et au-dessus une galerie haute sur l’un seul des côtés, des pots de géraniums sur le parapet.

Et l’on suit sur les murs du cloître l’enchaînement des scènes de la vie de Saint Benoît. Celles peintes par le Sodome d’abord, puis celles peintes par Signorelli, celles là plus abimées.

Plusieurs fois, ça se passe ainsi: on vient chercher le saint dans son désert pour qu’il dirige ou fonde la communauté monastique. Le saint refuse d’abord et avertit que ses mœurs ne s’accorderont pas avec celles des moines. Puis il cède. Mais bien vite les moines se lassent de sa rigueur régulière et tentent de se débarrasser de lui ou de détruire son autorité. Et le saint ne tente pas de garder cette autorité. À chaque fois il repart, seul ou avec ses disciples les plus proches, au désert. Le miracle toujours scande l’anecdote, témoignage de la mission du saint ou de la bienveillance divine à l’égard des retirés. Et sur les murs sont figurées les tentations du monde ; surtout les sept femmes, peintes ici en voiles par le Sodome, que Florent, prêtre envieux du saint, fit folâtrer et chanter toutes nues dans le jardin du monastère afin d’exciter les moines à la luxure. Aussi, moins provocantes et plus simplement belles, les deux jeunes filles, peintes par Signorelli, qui servent de viandes et de vin les moines désobéissants. Celles-là sont telles qu’on les désirerait pour épouses.

Et les hommes du monde, ce sont les guerriers de Totila, très déhanchés, parfois grimaçants, en vêtements bariolés. En face d’eux les moines sont en groupe serein, que leur robe blanche rend monumental, dont les visages semblent d’enfants, très largement tonsurés et, hors les plus vieux comme le saint qui portent barbe blanche et longue, imberbes. Le secret est peut-être dans ceci que raconte Voragine: un moine, qui ne voulait pas rester dans le monastère, insista tant auprès de l’homme de Dieu que celui-ci, tout contrarié qu’il fût, lui permit de s’en aller. Mais à peine hors du cloître il rencontra sur son chemin un dragon, la gueule ouverte. Dans l’intention de s’en garer, il se mit à crier: « Accourez, accourez, il y a un dragon, il me veut dévorer ». Les frères accoururent, mais ne trouvèrent point de dragon; alors ils ramenèrent au monastère le moine tout tremblant et ébranlé. Il promit à  l’instant que jamais il ne sortirait du monastère.

En ces temps le monde était plein de dragons et de diables, de petits enfants noirs, que certains voyaient d’autres ne voyaient pas.

Et tandis que nous tournons dans le cloître, un moine sort par une porte sur la galerie, petit et d’aspect maladif, qui nous parle et qui disparaît par une autre porte. On entre dans l’église. La presque totalité de la surface de la nef est occupée par les stalles – en fait de cela je ne me souviens pas bien, je l’ai lu dans un livre, qui est un peu ancien, donc pas entièrement digne de confiance; mais l’image que je forme de cette information correspond assez bien à mon souvenir du transept. Un novice nettoie le pavement: il verse de l’alcool à brûler et jette dessus de la sciure, puis il balaie. On marche un peu et le novice vient, parle et demande qu’on vienne avec lui dans la crypte. En bas il y a des tombeaux je crois, d’ail1eurs on en est séparé par une grille. Et le novice n’en dit rien ou presque. Il demande d’où nous venons. Je dis que nous sommes niçois. Lui est piémontais. Il dit une phrase vite dans son dialecte. Il parle de son noviciat, dit combien de temps il faut attendre pour être moine. Il soupire. Il a la figure d’un jeune paysan. Un moine descend jusqu’à mi l’escalier et le rappelle à sa besogne.

Je me suis assis dans la voiture et j’ai regardé la carte, la porte ouverte. E. est allée à une fontaine pour laver les tomates. Je vais pisser contre un cyprès. J’ai devant les yeux une rigole de briques jaunes. Sur la petite route pendant que je conduis, E. me détaille une fougasse.

Le Pailler de Lacan (4/4), le pré de Passet

Entre les prés du Pailler et celui de Passet, il y a le Valat, c’est-à-dire le torrent, qui en octobre s’était rempli jusqu’en haut des rochers. Lire la suite