Ravenne

L’homme du soir à Ravenne. La nuit tombe. Il sait que jamais homme ne fut aussi savant que lui mais il perd la mémoire, sa langue trébuche, ses mains perdent leur agilité. Il n’a rien à inventer. Il résiste à la nuit qui tombe sur lui. La ville se vide.
Anecdote: il est pauvre, il est obligé de vendre ses livres. Il ne sert plus à rien. Il confond le Nil et le Danube.
Les jardins, les terrains vagues tout autour de la ville. L’herbe pousse sur la chaussée des rues. Des immeubles en ruines.
Les rues vides.
La pluie. Soleil. Il marche dans la campagne ravennate. Plaine. Le cœur toujours étreint par l’angoisse.
Il va chez le patrice. Il parle. On l’écoute à chaque fois stupéfait. Mais lui, sans que personne le remarque, s’embrouille, mélange les dates et les lieux.

J’ai peut-être trop attendu. Pourtant rien n’est changé. Les faubourgs sont pleins d’hommes. Comme lui je suis perdu, amer et j’ai l’envie de rendre.

« Les prairies à l’intérieur de la ville et les jardins commencent à fleurir et, sous peu, l’ombre des feuilles couvrira les petits sentiers, si bien que ceux qui les parcourent croiront que les avenues n’ont pas été ouvertes dans une ville mais en pleine montagne. »[1]

[1] description de Constantinople au printemps par Démétrios Kydones (vers 1320 – vers 1398)

Ravenne (mémoire)

À Ravenne le temps est couvert et j’ai mal à la tête. Il fait lourd. Je crois je transpire un peu, mauvaise sueur, aigre. Envie d’un café. Nous cherchons un café.

Je me souviens d’une rue assez large, presque déserte. Le ciel est gris et bas. Il fait pourtant clair. Les rues sont vides. Nous n’avons pas encore bu de café. La brique encore mais bien différente de ce qu’elle est à Sienne, plus sombre, plus rouge. Je me souviens d’une rue assez large, presque déserte. Plus loin des maisons avec des jardins, comme si nous étions dans les faubourgs. Mais je ne suis pas sûr: une rue assez large, presque déserte et de très larges trottoirs. Des façades décolorées et plates sauf un balcon au-dessus de la porte. Un palais de briques en retrait et un ou deux mètres sous le niveau de la chaussée, plat comme un décor de théâtre.

Je regarde le plan de la ville dans le guide Michelin pour tâcher de me rappeler le déroulement exact des deux heures passées à Ravenne. Mais impossible. D’ailleurs le plan de la ville est très confus, les rues souvent courbes, rarement orthogonales. Il me faudrait voir le plan du Guide Bleu, je crois que c’est sur lui que nous nous sommes guidés. Je relis aussi mes notes, il n’y a à peu près rien sur Ravenne. J’essaie cependant de rappeler mes souvenirs: Nous ne nous sommes pas arrêtés à Sant’Apollinare in Classe à l’aller. Ou plutôt, nous nous sommes arrêtés, nous sommes allés jusqu’à la grille de la Basilique mais elle était fermée.

Nous avons garé la voiture sur une petite place du quartier nord, non loin de San Vitale. Nous avons visité San Vitale, arrivés par une rue pavée et sans trottoirs. Clarté. Ensemble monumental bas, rouge, sur une pelouse verte. Touristes américains ou canadiens, pas d’Italien. Puis le mausolée de Galla Placidia, rempli d’un échafaudage. Nouvelle frustration. Puis le baptistère des Ariens.

Après ça se brouille.