Polyandrion

Polyandrion, by Anonymous [Public domain], via Wikimedia Commons"

Elle chantonnait assise sur un tronçon de colonne au milieu des ruines/ Le front un peu penché, elle chantonnait quelque chose que je ne connaissais pas et dont je ne pus entendre les paroles, étant encore trop éloigné. Lire la suite

cabane (2)

C’est toujours ainsi: un moment du temps, une lumière, une température, une humidité, un moment, quelque chose d’intérieur aussi, une distance du sommeil, un état du ventre, un moment de la digestion, un goût de la bouche. Un arrangement de traces, de restes. Et c’était un commencement. Il était sorti sur le seuil de la cabane et regardait la première lumière matinale emplir la vallée, comme descendue, lentement coulée des montagnes sur les pointes desquelles le soleil avait d’abord cassé la nuit. La lumière était rose et dorée et elle lui semblait refléter la chair de l’endormie, de l’encore endormie derrière lui, dans l’obscurité de la cabane. Lire la suite

Clôture (vision)

Elle s’approche très près de lui et il voit sa bouche entr’ouverte et ses lèvres trembler. Lire la suite

bouchées

Elle me dit, en fronçant les sourcils, « Ne pourrait-on manger un peu plus ? Je n’ai mangé que trois petits bols de riz et j’ai les fesses glacées. » Lire la suite

Bassin

Je regardai sa peau avec quelque chose comme de la haine. Sa peau anormalement blanche. Les parties de mon corps que je n’expose pas au soleil sont blanches, je les ai toujours vues blanches mais en sa présence, ce n’était plus blanc qu’elles m’apparaissaient, elles m’apparaissaient grises, sales. Lire la suite

Chine

Il ne se passe pas de jour que ne s’entende un bruit de fusillade dans le quartier. Hier sur le chemin du bureau j’ai vu un jeune homme allongé au pied d’un mur, un balle explosive avait ouvert son ventre. Un communiste, je crois. Je me suis penché sur lui et il m’a dit de ne pas rester là, de passer mon chemin. Il avait la tête penchée vers sa blessure et il a dit, sans bouger la tête, « Fous le camp! Ne reste pas là, fous le camp! ». Et comme je me suis éloigné, il a dit calmement, comme pour lui-même : « Je ne souffre pas. » Lire la suite

Clôture (prétexte à itinéraire)

C’est une journée de printemps, fraîche et ensoleillée, des plages d’ombre passent sur le paysage. La clôture peinte en blanc découpe un rectangle de pelouse autour de la maison. Un rectangle de pelouse pendu au-dessus des brisées d’écumes et des écueils, sur le bord des falaises noires, au-dessus de la mer où des oiseaux blancs aux longues ailes s’immobilisent comme accrochés par le vertige. Lire la suite

petit pays

C’est un vieux pays mais qui est comme s’il n’était pas né, c’est un pays dans les limbes, depuis des siècles. Et voyez l’espace, la géographie: c’est un petit pays au milieu de grands pays, ouvert de ses trois côtés à ces grands pays (un côté de plaines minières, usines et sidérurgie, un côté fait d’une vallée et coteaux et vignes, un côté de forêts, collines, genêts, pauvre, froid et sauvage). Et ces pays ont connu les guerres civiles et les révolutions, ils se sont donnés l’un à l’autre la guerre; ces guerres sont passées à travers notre petit pays et l’ont meurtri, atrocement parfois, sans le changer. Lire la suite

Paysans

Je suis dans ce pays de paysans (mais qui n’en sont plus et qui lorsqu’ils l’étaient n’avaient pour paganisme que l’Église ou la sourde résistance à sa discipline – et le goût du « bois », de la forêt) avec mon souvenir de ces jours qui viennent de finir, mon souvenir d’elle. Lire la suite

Ton visage est un écroulement

Si je levais sans cesse mes yeux, si j’envoyais sans cesse mes yeux à droite à gauche, c’était moins par crainte de manquer son apparition que pour la susciter.

Ton visage est un écroulement, c’est pourquoi j’aime ton visage et pourquoi je défaille en sa présence. Il est comme l’écroulement de hautes colonnades, non pour se précipiter à terre mais pour basculer dans le vide.

Lire la suite