Bali à la radio

Radio: à Bali des coqs tout le temps sur la bande son. J’imagine des maisons à grands toits, avec des galeries sur le devant, sur pilotis, perchées au-dessus de rues couvertes de gazon. D’herbe verte où se promènent les crêtes rouges des coqs. Et les hommes en sarongs et chemisettes, un calot sur la tête. Voilà ce que j’imagine. Je m’y verrais bien, presque comme je suis, tapant sur mon clavier, avec les cris des coqs dehors, des chansons de variétés aux inflexions arabes et chinoises, aigres, dans un poste de radio non loin. Mais sur le soir, plus loin, du côté du temple, le son d’un gamelan. Le gamelan, doux et énervant, que je ne peux écouter que mhashish, alors, c’est comme l’eau fraîche d’un torrent qui coule à travers moi.

Lolita

Lolita. J’ai dû m’en arracher vers 15:00. Et un état d’esprit produit par l’histoire, en un moi déjà trop prêt pour ça, tandis que je marchais sur les trottoirs de l’avenue. Je me suis assis au Café de Lyon, un lien serré entre mes yeux, alertes, et mon cœur. Lire la suite

Cimiez

Des nuées d’enfants sous les oliviers. Brume d’été qui monte de la mer déjà. L’odeur de l’herbe. Sifflets. Les voix, cris d’enfants en nuées aussi. Et les travaux de l’autre côté du parc font un bruit de port.

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jardins minéraux

le soleil est chaud mais le vent
agite les feuilles des orangers
derrière la vitre sous le froissement
des palmes leur mouvement a
le son métallique des jardins anciens Lire la suite

petit pays

C’est un vieux pays mais qui est comme s’il n’était pas né, c’est un pays dans les limbes, depuis des siècles. Et voyez l’espace, la géographie: c’est un petit pays au milieu de grands pays, ouvert de ses trois côtés à ces grands pays (un côté de plaines minières, usines et sidérurgie, un côté fait d’une vallée et coteaux et vignes, un côté de forêts, collines, genêts, pauvre, froid et sauvage). Et ces pays ont connu les guerres civiles et les révolutions, ils se sont donnés l’un à l’autre la guerre; ces guerres sont passées à travers notre petit pays et l’ont meurtri, atrocement parfois, sans le changer. Lire la suite

arbres

(Je parle de villes mais ne les nomme pas
le fracas d’orage des roues annonçait entre les hauts murs
des rues sans trottoir l’arrivée d’un véhicule
et il faisait froid encore dans l’ombre des rues même si
le ciel en haut mais il fallait lever les yeux
le ciel en haut limpide et bleu)

L’été finit, ce que je ne pensais pas revoir
de certains érables déjà les feuilles
jaunissent ou roussissent dans les quartiers ouest de la ville
devant les maisons sur certains arbres
les pointes des feuilles déjà doucement s’embrasent
je m’en vais et indifférents les arbres
comptent et mesurent et doucement s’embrasent
au moment fixé par leur calcul
chacun calculant pour son compte
le calcul de chacun
les arbres, l’un à côté de l’autre, chacun
fait son calcul les oiseaux comptent aussi et mesurent
chacun selon son espèce frémit et s’apprête ou s’élance
vers le sud, où fleurit le citron les arbres chacun selon son calcul l’oiseau de l’oeil perçoit le
frémissement de son voisin

La nuit arrive tôt, la nuit est froide
je referme les petits carrés de fenêtre que je laissais ouverts
jour et nuit la pluie est froide les
mouches reviennent mourir dans la cabane de bois qui protège mon entrée,
en haut de l’escalier. Et moi je ne sais pas calculer, il me
faut tous les indices et je ne peux me persuader que
l’été finit je sais que je m’en vais, à peine

Paysans

Je suis dans ce pays de paysans (mais qui n’en sont plus et qui lorsqu’ils l’étaient n’avaient pour paganisme que l’Église ou la sourde résistance à sa discipline – et le goût du « bois », de la forêt) avec mon souvenir de ces jours qui viennent de finir, mon souvenir d’elle. Lire la suite

Jeudi saint (journal)

Jeudi saint, 28 mars 1986: Je me suis dit qu’aujourd’hui D. ne viendrait pas (…) J’ai failli retourner diner° à la maison: j’avais oublié mon portefeuille dans le vieux pantalon. Oui, la veille au soir j’ai acheté une paire de Levis chez Zeller’s, Lire la suite

Pourquoi ce ciel d’orage à ton approche

Pourquoi ce ciel d’orage à ton approche et pourquoi ce roulement de tonnerre? Qu’est-ce qui fait pencher la terre devant ton pas? Pourquoi cet assourdissement et pourquoi ton visage ne déchire-t-il que moi? Ceux-là autour, ne viens-je pas tout juste de les voir s’enfuir en levant les bras ? Ne les ai-je pas aperçus comme des animaux timides se cacher vite? Or l’instant d’après tandis que je reprends souffle, éperdu comme le naufragé, je dois les voir vaquant comme ils étaient lorsqu’on ne faisait que t’attendre. Quelle terrible nécessité les force à cette comédie?

Ce ciel noir, pourquoi à ton approche? et ce roulement de tonnerre, pourquoi?