Lacan, sur l’adret de la colline qui domine le Pailler, un morceau de paysage grec, ou provençal, au milieu des premiers reliefs des Cévennes, au milieu d’un paysage qui ne me vient que peu à peu familier. Lire la suite
Auteur : cercamon
dit Risso
Quatre étages dit Risso
On n’en sait pas assez
Au bord de la mer il doit y avoir quelqu’arbre
des pins et puis? Il y a les palmiers
non loin derrière les plages plantés
qui pensent à plus loin au-delà
les succulentes, le jardin sous la corniche,
aloès, cactes et la figue de Barbarie.
Et derrière, les aigrures, citrons et oranges
qui sur les trottoirs de Menton
im dunklen Laub glühn
comme des lampions et le kaki
ou plaquemine et le néflier pipa
du Japon pas celui de Belgique.
Et, plus haut, l’étage des arbres de l’Eden,
des terrasses, de l’olivier,
de l’amandier et du figuier
(qu’on m’apporte, disait Épicure,
un petit fromage frais que je fasse bombance)
et le cerisier de l’idylle,
un soir d’été dans un fauteuil de toile
à écouter les oiseaux.
Et, plus haut, où l’homme se retire
sapins, cèdres et mélèzes, etc.,
l’encre et les chemins.
Et plus haut encore, plus haut presque plus rien,
la caillasse, la lune et les lacs nus, ce qui menace.
Les trajets d’A., automobiles
1.
Tu montes la vallée du Var, passes le pont de la Manda
tu prends vers Carros, vers la droite, après Carros le Broc.
Tous les jeudis en voiture noire, toujours la même,
le coffre est dedans, on soulève le dossier arrière et dedans
le bidon d’huile et le bidon de vin et le coussin où
ils s’endormaient, les enfants, le soir au trajet de retour.
A l’arrivée parfois le cinéma sur la place, l’écran tendu
entre l’église et l’école, chacun venait avec sa chaise
et la séance avait été annoncée par le crieur municipal.
Sinon tout le monde dormait. Son père la portait.
Le petit avait dormi dans un hamac pendu au milieu
de la voiture. Le lendemain ils venaient plus tard en classe.
Tous les jeudis, donc, ils descendaient à Nice, le père pour acheter
dans une librairie rue Jean Jaurès des fournitures pour la classe.
Ils s’habillaient comme en dimanche mais le jeudi
demi-bas blancs, chaussures noires vernies que le grand-père
offrait à Pâques tous les ans. Tout le monde les regardaient partir.
Ils arrivaient chez la grand-mère, place du Pin, dans le quartier du port,
le père tout de suite allait à la Fédération. Le grand-père travaillait.
L’après-midi ils allaient avec la grand-mère au cinéma à côté sur
la place, ce qui passait, on ne choisissait pas, ou acheter
des chaussures avec la mère, ou des livres
ou décalcomanies pour occuper leur après-midi.
Ils dinaient tôt ou la grand-mère enveloppait un repas. La nuit tombait
sur le retour. Souvent sur la route du Var, après Spada
un barrage de police. Un qui venait avec une lampe torche,
les enfants se réveillaient et s’imaginaient dans le coffre derrière
leur dos des marchandises ou des tracts illégaux. Le pont de la Manda
alors encore étroite passerelle. Je me souviens aussi.
Puis une forêt épaisse, parfois des bohémiens.
Souvent les enfants rendormis se réveillaient plus haut, un tournant
après lequel d’un coup se voit le Broc avec des petites lumières jaunes.
Peu de voitures sur la place de l’Église où l’on garait, il fallait marcher
sur de longs degrés inclinés jusqu’à la place de la Mairie laquelle
est la même bâtisse que l’école. On se couchait de suite, l’hiver
avec une bouillotte, un bidon de cuivre dans un bas de laine.
2.
La route suit la vallée sur la rive gauche, à deux voies séparées par une rangée d’arbres et haussée au-dessus du niveau des cultures pour être préservée des crues. A l’est les cultures maraîchères sur la couche très plane d’alluvions que drainent des canaux, en rectangles des champs de fleurs et de légumes, des serres aussi et des cannes, les maisons carrées au milieu et au fond qui s’élève brusquement le flanc des collines. Et les chemins viennent droit sur la route par une pente soudaine sous laquelle un morceau de tuyau pour que l’eau ne soit pas empêchée, et à plus larges intervalles de petites routes qui traversent d’un trait pour monter en lacets parmi les pins vers les crêtes des collines: Saint-Antoine Ginestière, Bellet, Colomars et Aspremont. Et à l’ouest, par delà le lit large et encombré de graviers du fleuve, une bande plus étroite de cultures et un relief plus abrupt, au-dessus duquel sont des villages ronds et comme fortifiés: Gattières, Carros, Le Broc et Bonson.
3.
Un type qui attend devant la maison avec une voiture,
mais on passait devant le lycée. Tu glissais au fond
du siège et vous montiez sur la colline
de Saint Pierre de Féric, pleine de fleurs, ce devait être le printemps.
La voiture parfois des journées entières que tu n’en peux plus
que tu as pris la forme du siège de la voiture
qui sort de la ville, toutes les routes possibles.
Parfois toi en solex jusqu’à tel endroit puis tu sautes
dans la voiture, le solex laissé dans n’importe quel quartier.
Le chauffage, la fumée que tu n’en peux plus. Ensuquée.
La voiture garée dans un chemin, arrivent les gendarmes.
Sous la pluie torrentielle, avec des gerbes d’eau.
La voiture qui tombe en panne sur la plaine du Var,
vous marchez jusqu’un restaurant près de Castagniers,
un grand restaurant avec une noce. Bu quelque chose
et vous appelez à Nice un taxi. Il fait nuit et pleine lune.
Faute d’argent vous vous arrêtez à Magnan et
il est rentré chez lui à pied.
Partir sans savoir, tu te retrouves très loin de Nice,
au milieu des vignes, dans le Var.
Ça te fait l’effet comme le solex avec
quelqu’un en parallèle. Toi les pieds
sur le tableau de bord, projetée.
Le Pailler de Lacan (2/4), au Pailler
Ils sont venus m’attendre au train, à Nîmes, mon frère et sa femme, F. et sa femme. Il est trois heures du matin. La femme de F. est dans la voiture, elle essaie de dormir un peu.
La maison est à trois cent cinquante mètres de hauteur, au-dessus de prés, dans les premiers reliefs. Je suis dans la cuisine, avec mon frère et sa femme. Je sors de ma besace un pain fourré d’olives, de piments et de légumes au sel, baigné d’huile. Ils se le partagent.
Je couche dans la plus belle chambre. Ce sera celle de notre mère. Pour le moment les meubles y sont posés sans ordre, et des caisses de carton empilées. Et il n’y a pas de porte, à peine si c’est une pièce. Au milieu on m’a préparé un lit étroit. Comme il n’y a pas de lampe près du lit, je me déshabille dans le noir et cherche le lit à tâtons. Au moment où je tire sur moi les draps, que je ferme les yeux, j’entends très loin chanter les coqs. Je ne me réveille pas très tard.
Après déjeuner, je suis le premier à monter se coucher. Les autres m’imitent. Je ne trouve pas le sommeil. Je redescends. Je trouve F. sur le palier. Nous entrons dans la grande pièce. Je prends un livre. F. s’est assis au milieu du canapé, il ferme les yeux, la tête en arrière. La grande pièce non plus n’est pas rangée. Elle semble un entrepôt. Certains meubles sont couverts d’un drap. Je sors sur la galerie devant la cuisine, je m’assieds sur une chaise et lis. Le soleil vient jusqu’à mes pieds. Il fait très chaud dehors de la maison. Le livre que je lis, c’est Lo libre dels grands jorns de Joan Bodon, que F. a porté avec lui. En fin d’après-midi je l’ai lu aux deux tiers. Je remonte dans la chambre et je m’endors.
Le Pailler de Lacan (1/4), translation
Un compartiment, avec une porte qui coulisse et qui se verrouille. J’ai assez perdu conscience pour que me soit sorti de l’esprit l’enchaînement des évènements qui ont amené mon corps où il est: allongé presque nu dans une sorte de linceul: un sac de drap pour l’isoler de la banquette dure de moleskine où il repose. Lire la suite
réparties
Osaka
Saint-Denis
La boîte
Comme je voudrais écrire:
Comme les moines du haut moyen âge: une écriture lente et économe, à lire à voix haute. Une écriture pesante, légère pourtant puisqu’on la lit lentement. Ou comme les scribes sumériens. L’écriture d’un monde où l’écriture est rare. Où celui qui écrit, à chaque mot, à chaque phrase, s’étonne et s’émerveille de l’écriture et de on étrange pouvoir. Où il est attentif à respecter le caractère sacré de son activité, respect et responsabilité qui sont comme deux mains posées sur ses épaules (les paroles, elles, sont purifiées par le temps qui les emporte).
Ce que je voudrais écrire:
Ce que les anciens mettaient dans leur tombe pour leur permettre de passer l’éternité. L’image que j’ai vue dans je ne sais plus quel livre, la Méditerranée de Fernand Braudel, je crois, d’un sarcophage romain dont les parois de pierre sont sculptées en bas relief de façon à figurer en miniature une pièce avec des meubles, des jarres pleines d’huile, de vin ou de graines, des corbeilles de fruits ou de fleurs sur une petite table ronde à pieds galbés, et comme pour prévoir à un oubli, pour ménager une possibilité infinie, une armoire et une porte, et le lit où est couchée l’effigie du défunt. L’effigie du défunt, en bas-relief aussi contre la paroi, n’est pas à l’échelle du reste de la pièce. Mieux que les appartements que les Égyptiens aménageaient à grandeur réelle au centre des pyramides pour leurs pharaons, ou que les urnes heideggeriennes en formes de maison, cette boîte.