La boîte

Comme je voudrais écrire:

Comme les moines du haut moyen âge: une écriture lente et économe, à lire à voix haute. Une écriture pesante, légère pourtant puisqu’on la lit lentement. Ou comme les scribes sumériens. L’écriture d’un monde où l’écriture est rare. Où celui qui écrit, à chaque mot, à chaque phrase, s’étonne et s’émerveille de l’écriture et de on étrange pouvoir. Où il est attentif à respecter le caractère sacré de son activité, respect et responsabilité qui sont comme deux mains posées sur ses épaules (les paroles, elles, sont purifiées par le temps qui les emporte).

Ce que je voudrais écrire:

Ce que les anciens mettaient dans leur tombe pour leur permettre de passer l’éternité. L’image que j’ai vue dans je ne sais plus quel livre, la Méditerranée de Fernand Braudel, je crois, d’un sarcophage romain dont les parois de pierre sont sculptées en bas relief de façon à figurer en miniature une pièce avec des meubles, des jarres pleines d’huile, de vin ou de graines, des corbeilles de fruits ou de fleurs sur une petite table ronde à pieds galbés, et comme pour prévoir à un oubli, pour ménager une possibilité infinie, une armoire et une porte, et le lit où est couchée l’effigie du défunt. L’effigie du défunt, en bas-relief aussi contre la paroi, n’est pas à l’échelle du reste de la pièce. Mieux que les appartements que les Égyptiens aménageaient à grandeur réelle au centre des pyramides pour leurs pharaons, ou que les urnes heideggeriennes en formes de maison, cette boîte.