Le Pailler de Lacan (3/4), Lacan

Lacan, sur l’adret de la colline qui domine le Pailler, un morceau de paysage grec, ou provençal, au milieu des premiers reliefs des Cévennes, au milieu d’un paysage qui ne me vient que peu à peu familier. Ici c’est comme si l’hiver n’était pas passé, la neige est presque toute fondue, les arbres restent verts, ce sont des yeuses et pas des châtaigniers, ni des chênes blancs, comme autour du Pailler; des murettes de pierres calcaires, couvertes d’un peu de mousse et de lichen en taches gris clair; des prés bien verts d’herbe pourtant rase et qui vient mal, et des arbres larges au tronc noir, en rangées par dessus, un peu comme à Cimiez, les yeuses ici pour remplacer les oliviers, ce sont presque les mêmes feuilles.

Tout à l’heure je montais: genièvres, épines, lavandes, dont j’ai attrapé un épi, l’odeur m’en reste intacte sur les doigts. Qui limite le paysage au nord, un mur, comme un rempart, le long de la crête, sur quoi je suis monté pour voir le Pailler. J’ai entendu alors les ouailles et les chiens, des Hodges ou de Passet, sonnailles et aboiements. Presque seule encore couverte de neige dans le paysage la langue de prés du Pailler, comme le Pailler peint de blanc; le pré de Passet en face est bien vert. Et dessous le mur, l’ubac de la colline, des yeuses et des garrics.

Ainsi je suis assis sur un escalier de Lacan, tourné vers le sud. Il fait du soleil, mais avec de grands mouvements de nuages et de brume tout autour. La chienne est impatiente. La brume vient vers nous. Je me lève et je marche à sa rencontre. Elle est froide et humide. Nous avançons sur un chemin large et empierré qui ressemble à une route très antique, dans la brume.