la mer ainsi d’abord mets la quille aux brisants
de ce bateau noir de cette coque goudronnée
et prends l’âme au corbeau les ailes de son corps
plane sur l’océan divin la mer vineuse la boue de mort
et au loin jusqu’à l’île entre les fleuves de sang
au ciel pur avant que n’y plane la fumée des holocaustes
Auteur : cercamon
mosquées d’Istanbul
Les mosquées sont comme des piscines, des piscines mentales.
Tu pries comme tu nagerais, au milieu de la mosquée, sous la grande coupole. La prière est un enchaînement de mouvements, comme une nage, un enchaînement coordonné de mouvements et une discipline du souffle, une gymnastique. J’irais au milieu de la mosquée, sous la grande coupole, comme je plongerais dans le bassin et je ferais des séquences comme je ferais des longueurs, en comptant. Et je retourne sur les côtés, je m’assois par terre contre un pilier ou dans l’ouverture d’une fenêtre, comme au bord d’une piscine je m’allongerais sous le soleil. Là dans l’ombre, en retrait, je suis comme sous un soleil d’ombre, un soleil de fraîcheur et de paix.
mets la quille aux brisants
- met la quille aux brisants
- la mer ainsi au commencement
- prends l’âme du corbeau trickster
- l’âme du corbeau id est ses ailes id est
- les ailes de son corps
- et plane forth on the godly sea
- see those mighty walls where ends
- cet océan divin là
- mer vineuse boue pourrissante
- prends l’âme du corbeau les ailes de son corps
- et plane sur l’immense vase où pourrissent les
- corps au loin jusqu’à l’île الجزيرة
- entre les fleuves de sang l’île au ciel pur
- avant qu’y montent les fumées des holocaustes
dans l’avion, au-dessus du Caucase
Le sultan Mehmet II, Mehmet Fathi qui prit Constantinople, se faisait lire , rapporte Benedetto Dei[1], les historiens grecs et romains, et l’histoire des Papes et du royaume de France. Particulièrement curieux de l’Italie, dont il fit venir Gentile Bellini pour qu’il fasse son portrait, il s’enquerrait de ses côtes et des endroits où avaient débarqué Anchise, Enée et Ascagne, les fugitifs de Troie, d’Ilion dont il était lui, l’Osmanli, quelques vingt siècles plus tard, le maître. Cette lignée du centre le plus profond de l’Eurasie qui de ce balcon anatolien regarde vers l’Italie et le passé de cette mer devant elle, cela fait une curieuse figure géographique.
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[1] Cours de Gilles Veinstein, ce matin, six heures et quart, à la radio, dans la voiture qui m’amène à l’aéroport.
demeures divines
Nous sortions du café sur la place du village de Berre. Le soleil, qui éclaire encore le village lorsque toute la vallée est recouverte d’ombre, le soleil ce soir était d’hiver et ne chauffait pas.
Le soleil qui à notre arrivée éclairait encore les façades au bord du village, à ce moment avait disparu derrière la chaîne du Férion.
A notre droite, vers le nord, au-dessus du panorama bruni par l’étalement de la nuit, les vallées, les croupes, les crêtes, les baux, noirs les morceaux des forêts, les premières éminences, les cols, tout ce monde des premiers mouvements des Alpes, déjà gagnés par la nuit sous un ciel épuisé à travers quoi poussaient déjà quelques étoiles, nous avons vu, au-dessus de la nuit, dans une lumière rose et mauve qui y semblait chez elle, éternellement, les neiges du Mercantour. Les demeures divines…
Les demeures divines au-dessus des champs de pierre.
A quoi j’ai souvent pensé pendant nos marches en montagne: au-dessus des forêts qui sont, avec leurs mousses, leurs cascades, leurs odeurs et leurs ombres, l’image de la vie mondaine de la chair, des plaisirs et des égarements, les pâturages arides qui représentent le premier temps de l’ascèse, la purification, pénible parce que le corps n’a pas encore trouvé le deuxième souffle, puis les lacs et au-dessus des lacs le paysage minéral, les champs de pierre, les paysages lunaires où la terre a quitté son vêtement de vie pour prendre la semblance de ses consœurs planètes, on est alors au-plus près du ciel, les étoiles brillent comme des diamants et l’espace entre elles est de la plus pure ténèbre, l’image de la connaissance intellectuelle qui retourne son regard vers la création.
Tundla junction (6/6), épilogue
A 22:30, ma jeune protégée nous laisse pour aller tâcher de prendre le Brahmaputra Mail. Lire la suite
Tundla junction (5/6), « Are you chinese ? »
Ce fut à ce moment-là, au moment où je commençais de noter ce qu’avait été la journée qui se finissait, que, pendant que les Japonais continuaient leur conversation, le vieil Indien se pencha vers moi et me demanda: « Are you chinese? ». Je le regardai interloqué puis en riant lui répondit: « No, I am not chinese… et neither are they, they’re japanese! ». Le vieil homme ne répondit pas à mon sourire et considéra avec l’attention indiscrète dont sont habituellement capables les Indiens. Mes éphémères compagnons, qui s’étaient arrêtés de parler et le regardaient à leur tour.
Tundla junction (4/6), salle d’attente
J’ai plusieurs fois jeté un coup d’œil vers l’arrière où était la jeune fille japonaise. Elle était assise toute droite au milieu d’une banquette. Nous sommes nous rapprochés à la descente du bus? Avons-nous pénétré ensemble dans la gare? Les bâtiments principaux étaient de l’autre côté des voies que des passerelles métalliques enjambaient. L’ai-je aidée en portant son sac ou n’était-ce que le mien qui pesait sur mes épaules?
Tundla junction (3/6), des militaires
Mon protecteur m’a fait asseoir à côté de lui sur la banquette longitudinale à l’avant de l’autobus. En causant avec lui pendant le trajet j’apprends qu’il est militaire, comme ses deux compagnons, plus jeunes, qu’ils font partie de la BSP (Border Security Patrol) et qu’ils reviennent du Cachemire. Je lui demanderais volontiers des nouvelles de la frontière et de l’état des choses au Cachemire mais à la manière élusive dont il répond à une question anodine je crois comprendre qu’il est tenu à la discrétion et puis j’ai déjà assez senti d’hostilité à mon allure musulmane pour éviter de donner prise au soupçon.
Tundla junction (2/6), Vijli Bus Stand (suite)
Je suis revenu avec le numéro du quai d’où devrait partir le bus pour Tundla. J’avais été aidé par un homme d’une trentaine d’années qui parlait anglais et qui allait lui aussi à Tundla avec deux compagnons plus jeunes.
J’ai repris mon sac et nous sommes allés ensemble, elle et moi, jusqu’au quai. Lire la suite