ambulance

Une ambulance, le gyrophare tournoyant, traverse en silence le paysage couvert de neige.

Lire la suite

Alexandrie

La ville où je suis né et où j’ai grandi est au bord de la grande mer. Elle tourne le dos au pays.

Lire la suite

Elfes

Il marche dans la maison froide. Il s’arrête devant la fenêtre largement ouverte sur la nuit. Elle voit la lumière derrière lui s’élancer comme une troupe d’elfes innombrables vers la nuit froide. La pluie continue irrégulièrement de tomber. Lorsqu’elle faiblit ou s’arrête il entend les feuillages et le bord du toit dégoutter.

sur la berge

L’homme allait jusqu’au fleuve, vers le soir. Il s’asseyait près de la berge. Et lorsqu’un bateau à aubes passait, il lançait son chapeau blanc vers le ciel et jetait un cri. Lire la suite

La Pension Suisse

J’habitais l’Hôtel de la Gare-Pension Suisse parce que c’était l’hôtel de tourisme le moins cher de la ville. Je m’en tirais avec une pension de 30 piastres et il n’y avait rien à redire, la literie était propre et la nourriture fraîche et bien cuisinée. J’aurais pu trouver un hébergement meilleur marché mais j’avais télégraphié mes conditions de séjour à mon employeur et il les avait acceptées.

Lire la suite

barge

Au milieu des champs passe lentement une barge chargée de foin. Et au loin, près de l’horizon, peut-être au-dessus de la mer, un lourd train de nuages. Un homme aux cheveux gris et qui porte une mouche hérissée sous la lèvre est debout devant la fenêtre, entre les volets qui n’ont pas été tout à fait poussés contre les tapisseries. Il a laissé inachevée une lettre sur la table qui est derrière lui au fond de la pièce.

Lire la suite

chinga

Elle gardait les yeux sur son assiette, n’avait pas compris, moi oui.

Je n’ai pas non plus levé les yeux de mon assiette mais derrière mon crâne s’est ouverte une trappe invisible et mon troisième œil a fait le tour de la pièce, a palpé le moindre angle et la moindre table. Un a dit: « Cette fille, on dirait la Sainte Vierge. » et un autre a répondu entre ses dets « Se chinga, puta madre!« . Ils se sont tus et pendant une minute que le silence a duré, j’ai senti leurs regards comme des épingles sur ma nuque et sur ses joues, ses bras. J’attendais la suite et je cherchais quoi faire. Et je ne trouvais rien. Je poussais du bout de la fourchette le riz dans mon assiette, appétit coupé, dents serrées. La suite est venue: « L’homme, dis à ta pute de venir nous faire des pipes. » Je tapotais maintenant le bout de la fourchette sur l’assiette. Elle m’a regardé avec surprise : mes mains tremblaient. « Et l’homme, tu es sourd? » Une troisième voix : « Il chie dans son pantalon. » J’ai pris une inspiration, j’ai croisé le regard de C., je me soulevais, les mains posées sur la table, mais son regard n’est pas resté dans le mien: aussi régulièrement qu’il s’était levé vers moi, il s’est tourné vers la droite, vers les hommes, avec la même surprise…

Quelque chose avait changé en elle, quelque chose de stupéfiant, et pour la première fois je me suis dit que je la désirais.

la vallée

Je me souviens d’un repas. Nous sommes dans une salle de pierre, je veux dire une salle taillée dans le roc de la Falaise, une douzaine, assis autour de trois grands plats de riz, six ou sept petits plats de légumes et de sauces et des oiseaux rôtis sur un grand plat ovale. Les rayons du soleil parviennent très avant dans la salle, rouges. L’un d’entre nous, un homme d’une cinquantaine d’années, se tourne vers un autre, beaucoup plus jeune, et lui dit: « Si tu nous racontais à présent ce qui t’est arrivé la dernière fois que tu es descendu dans la vallée pour vendre de la pâte à la ville? »

Lire la suite

la gare dans les vignes

Mes nuits étaient douces, mes rêves soucieux, désespérés et doux.

Je les ai ramenés à la gare à travers les vignes. J’aurais voulu partir avec eux mais elle m’en a dissuadé.

Elle m’avait regardé surprise: la petite voiture blanche était garée sur la place devant la gare. Je n’avais rien à leur dire et rien eu à leur dire pendant tous ces jours que nous avions passés ensemble. Je n’avais rien à leur dire, je sentais ce manque en moi physiquement. Nous avions passé plusieurs jours ensemble et maintenant nous n’avions rien à nous dire.

Lire la suite

Soleil de la Loi

Des feux brûlent un peu partout dans le village. Les hommes passent curieusement hagards et noirs. Où est Soleil-de-la-Loi? Je ne les ai jamais vus comme ça et j’ai peur. L’un vient, s’arrête devant moi et me regarde de très près, son nez me touche presque, il dit: Je te reconnais, tu étais avec l’Imposteur. Mes dents claquent. Son visage est luisant de sueur, noir et luisant de sueur. Ses yeux suent la haine: Tu es l’étranger qui est venu avec l’imposteur. Mon maître coupé en deux par le milieu du corps, à coup de haches. Pas d’odeur, son ventre ouvert, purifié par le sang. Je tire le turban. Je dis: ton turban est mal noué, et je tire sur une boucle. Et tout le paquet lui tombe sur les yeux: je prends mes jambes à mon cou. Seigneur, mon maître coupé en deux, ses tripes qui s’étalaient sur le sable, ointes de sang et il ouvrait les mains, ouvrait la bouche et tournait les yeux. Beaucoup de gens pleuraient. L’autre s’est mis à crier mais personne ne l’entend.

Une fumée épaisse monte des bûchers, et une odeur sucrée. Je m’appuie à un mur pour souffler. Si je ne trouve pas Soleil-de-la-Loi très vite je suis mort.