T5

C’est en retournant à la base que, traversant le sous-bois qui couvre le levant de la colline qui la domine, j’ai remarqué des excroissances sur plusieurs jeunes arbres. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait de chenilles: les plants des avocatiers semblaient couverts de grosses chenilles gluantes jaunes et roses. Je me suis approché et j’ai vu qu’il ne s’agissait pas de chenilles mais que c’étaient les feuilles elles-mêmes qui étaient ainsi déformées. Arrivé à la base, je suis tout de suite allé au service botanique pour informer de ce que j’avais vu mais tout le monde était déjà au courant. Ces sortes de nouvelles vont très vite. Et nous savions ce que ça signifiait. Le service botanique, bien sûr, étudierait cette nouvelle maladie et y chercherait une parade mais personne ne se faisait beaucoup d’illusion et les préparatifs du départ étaient déjà ordonnés. Officiellement pour parer à toute éventualité mais nous regardions le ciel et nous nous disions que les années sombres, les années d’errance et de confinement allaient recommencer.

Lire la suite

Bassin

Je regardai sa peau avec quelque chose comme de la haine. Sa peau anormalement blanche. Les parties de mon corps que je n’expose pas au soleil sont blanches, je les ai toujours vues blanches mais en sa présence, ce n’était plus blanc qu’elles m’apparaissaient, elles m’apparaissaient grises, sales. Lire la suite

manteaux

D’aussi loin que je me souvienne, nous nous sommes vêtus de couvertures. Certains d’entre nous ont rapporté d’auprès de peuples plus raffinés l’habitude de vêtir leurs corps de tissus légers, végétaux, mais ces tuniques s’abîment vite et elles ne suffisent pas à protéger le corps du froid. Nous, nous couvrons nos corps des toisons de nos bêtes, que nos femmes tissent avec art pour en faire les couvertures les plus chaudes, les plus souples et les plus légères.

Nous en avons modifié les formes, les avons découpées en demi-lune, manteaux, pour les rendre plus faciles à draper sur nos corps et en rendre les plis plus serrés et plus stables, pour qu’elles se ferment sur nos bustes comme des nœuds, comme des bras noués, mais elles restent les mêmes couvertures sous lesquelles reposer nu la nuit. Nous n’allons pas nus, nous ne nous couvrons pas non plus de la peau des animaux tués.

Je me souviens du jeune prince Thésée lorsqu’il est entré dans notre ville, son manteau jeté sur ses épaules, nu, un chapeau incliné sur le front. Je me souviens des vieillards, tandis que notre tribu fuyait dans les montagnes de Médie, qui couvraient leurs cheveux blancs sous le pli de couvertures rouges et noires. De la neige tombait et chacun sentait avec peur ou résignation le froid s’insinuer contre la laine rugueuse.

Je me souviens aussi de Socrate, dans son manteau noir de laine grossière, un jour de décembre, qu’il tombait une petite pluie glacée, marchant pieds nus dans le quartier du théâtre. Son manteau était étroitement enroulé, s’arrêtait au milieu du mollet et ne laissait dégagé que sa main droite qu’il tenait plaquée ouverte sur son ventre tandis qu’il se hâtait à grandes enjambées. Ou assis perdu dans ses pensées au pied d’une église. Insoucieux des enfants qui jouaient là et qui entre eux se moquaient parce que, son genou relevé, ils voyaient ses parties.

Mais je me souviens surtout de mes voyages. Des nuits passées près du feu, où je m’endormais doucement contre les braises, gardé par mon bâton et mon manteau.

ambulance

Une ambulance, le gyrophare tournoyant, traverse en silence le paysage couvert de neige.

Lire la suite

Alexandrie

La ville où je suis né et où j’ai grandi est au bord de la grande mer. Elle tourne le dos au pays.

Lire la suite

Elfes

Il marche dans la maison froide. Il s’arrête devant la fenêtre largement ouverte sur la nuit. Elle voit la lumière derrière lui s’élancer comme une troupe d’elfes innombrables vers la nuit froide. La pluie continue irrégulièrement de tomber. Lorsqu’elle faiblit ou s’arrête il entend les feuillages et le bord du toit dégoutter.

sur la berge

L’homme allait jusqu’au fleuve, vers le soir. Il s’asseyait près de la berge. Et lorsqu’un bateau à aubes passait, il lançait son chapeau blanc vers le ciel et jetait un cri. Lire la suite

La Pension Suisse

J’habitais l’Hôtel de la Gare-Pension Suisse parce que c’était l’hôtel de tourisme le moins cher de la ville. Je m’en tirais avec une pension de 30 piastres et il n’y avait rien à redire, la literie était propre et la nourriture fraîche et bien cuisinée. J’aurais pu trouver un hébergement meilleur marché mais j’avais télégraphié mes conditions de séjour à mon employeur et il les avait acceptées.

Lire la suite

Lolita

Lolita. J’ai dû m’en arracher vers 15:00. Et un état d’esprit produit par l’histoire, en un moi déjà trop prêt pour ça, tandis que je marchais sur les trottoirs de l’avenue. Je me suis assis au Café de Lyon, un lien serré entre mes yeux, alertes, et mon cœur. Lire la suite

barge

Au milieu des champs passe lentement une barge chargée de foin. Et au loin, près de l’horizon, peut-être au-dessus de la mer, un lourd train de nuages. Un homme aux cheveux gris et qui porte une mouche hérissée sous la lèvre est debout devant la fenêtre, entre les volets qui n’ont pas été tout à fait poussés contre les tapisseries. Il a laissé inachevée une lettre sur la table qui est derrière lui au fond de la pièce.

Lire la suite