le passage des glaces

Il fit de plus en plus froid. J’étais comme malade et ne savais plus pourquoi j’étais sur ce bateau. Le capitaine ne disait rien de la destination, pourquoi nous allions ainsi vers le froid. J’avais comme un capuchon de brume sur la tête. Je lisais un gros livre, long et compliqué. J’avais du mal à en suivre l’intrigue. Le cuisinier me demandait combien de pages j’avais lu dans la journée et où j’en étais et il riait. Je revenais sans cesse en arrière, attention sans cesse distraite par la rêverie mais une rêverie qui ne décollait pas beaucoup du roman. Je partais sur une fausse piste, la suivais sur plusieurs dizaines de pages, jusqu’à ce que je sois tout à fait égaré. Dans une fièvre vague et toujours dans le fracas des machines. Si je montais sur le pont, c’était enveloppé dans deux grosses couvertures et même ainsi je grelottais, claquais des dents, j’étais transi. On vit d’abord quelques petits icebergs puis plus gros, de plus en plus gros et de plus en plus nombreux. Lire la suite

Les Autels d’Alexandre (4/6), la maladie de Nemo (3/3), une place

Elles habitaient le quartier est. Il fallut donc traverser toute la ville, presque en diagonale. Ils longèrent des maisons de trois étages, sculptées, plantées comme des bornes. Les rues grouillaient. Nemo sans cesse bousculé avançait avec peine. Les filles durent le soutenir. Ils arrivèrent dans un quartier plus calme. Une maison basse sur une place carrée. Nemo s’assit tremblant de fièvre.

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Les Autels d’Alexandre (2/6), la maladie de Nemo (1/3), la ville

LA PLAINE s’étrécit jusqu’au confluent des cinq fleuves. Les fleuves, leurs affluents et les canaux d’irrigation la couvrent d’un réseau complexe. Un sixième fleuve recueille leurs eaux, il coule sous les montagnes occidentales, une bande désertique le sépare de la plaine. Du confluent s’ouvre une autre plaine où il disperse ses bras jusqu’à la mer.

Les indigènes détournent les eaux des fleuves pour leurs cultures. Ils s’habillent de lin ou de coton, se chaussent de sandales et s’entourent la tête d’une pièce d’étoffe.

La ville est située un peu en amont du confluent, sur la rive gauche du plus oriental des cinq fleuves. A cet endroit il est large de quatre stades et ses eaux ont la couleur de la mer.

A une centaine de mètres de la rive, devant la ville, il y a une île. On y construisit au XVIIIème siècle un palais. Il est de style composite, décoré de marbre et de grès rose, ses faces sont découpées de galeries, de balcons et de belvédères. Du côté amont il est haut de trois étages. Ménageant d’étroits paliers, des escaliers descendent le long du socle jusqu’à des barques amarrées à l’abri d’une digue. Une passerelle de construction plus récente relie le palais à la rive. Les Anglais en expulsèrent le prince. Il se fit édifier un nouveau palais dans un parc de la rive droite.

La ville a été carrée. Son périmètre apparaît encore dans le tracé de certaines rues, dans la différence des quartiers de part et d’autre. Mais le plan initial a été débordé et la ville flanquée d’excroissances imprévues: au sud-ouest imbrication de cours étroites et de toits plats qu’entourent les toits de paille des bidonvilles (ils couvrent la bande entre le fleuve et la route), les enclos à bétail, les magasins.

Beaucoup de caravanes qui ont remonté la route parallèlement au fleuve, se dispersent là, en repartent vers le sud. La route aboutit à une place, à l’angle ouest du carré primitif. Des passeurs attendent les marchands. Sur l’autre rive la route reprend et s’éloignant peu à peu du fleuve gagne les terres irriguées. Au-delà de cette place une rue marchande continue la route et trace le côté nord-ouest de la ville. Beaucoup de monde s’y presse, des étalages à même le sol l’encombrent. C’est là, en plein marché, que Nemo est tombé, a perdu connaissance. Un mur sépare la rue des berges maçonnées. Il est percé à intervalles réguliers d’une porte. Elle ouvre sur un escalier de pierre, accès aux barques et aux péniches.

Au sortir de la ville la route reprend sa largeur initiale et, toujours parallèle au cours du fleuve, monte vers le nord-est, le passage en lisière.

Le coin nord de la ville a été abandonné, maison par maison, la plupart des toits se sont effondrés.