Du rêve d’Amérique latine: cordillère

(Du rêve d’Amérique latine:

Je descends avec C. d’une montagne. Pente verte, large vallée. Cette pente est aussi une carte de l’Amérique du sud. Plus bas dans la vallée – mais la pente reste assez forte – un grand bâtiment, monastère baroque. (…). Bolivie ou Pérou.

(…) Je monte les flancs d’une montagne très haute et escarpée. Pérou ou Bolivie. (…) Il y a du monde avec moi sur la route, touristes. Tout en haut un plateau étroit limité à droite par une arête rocheuse comme un mur dentelé et de peu de hauteur. Très fort vent. (…) je m’écarte, je crains de tomber. Pour passer de l’autre côté, je dois gagner l’extrémité du plateau mais le vent me déporte, j’ai peur et je m’assieds. Les autres ne semblent pas aussi gênés par le vent, ne semble pas comme moi sur le point de s’envoler. Je me dis que c’est mon sac à dos qui offre prise au vent. Je regarde de l’autre côté de l’arête. Panorama : la montagne qui descend vers l’intérieur du continent par degrés. Le vent n’y semble pas si fort. … )

Nous survolons le continent. Le continent est dessous nous, sur la planète ronde et bleue, comme une carte géographique. A droite, à gauche nos regards. Dans l’air bleuté. Nous nous tenons par la main et volons au-dessus du continent. Dessous nous une très haute montagne, la cordillère.

Tout le continent comme de la chair accrochée ou qui pend d’une arête de pierre, d’une longue chaîne, d’un long enchaînement de montagnes, d’une longue articulation de pierre: la cordillère, qui est comme dans un corps le squelette ou plus précisément la colonne vertébrale.

Le corps est d’abord une masse molle et indifférenciée, sauf invisibles des segments qui sont des partitions, et dans cette masse il se produit des concrétions, un axe osseux durcit, tubulaire, qui entoure et soutient l’axe nerveux. De même quant au continent, les mouvements tectoniques font surgir de la terre un axe de pierre. Le résultat, on ne peut s’empêcher de le considérer selon la logique de l’art: d’abord la charpente et montées dessus les parties molles ou souples plus fragiles et instables, les collines aux pentes ravinées par les pluies, les rives boueuses des fleuves, les îles de sable, l’avancée des deltas, les radeaux de feuilles. Ainsi les paléontologues à partir du squelette reconstruisent tout l’animal.

Nous survolons nous tenant par la main la cordillère, le continent. A l’ouest la montagne descend très rapidement vers l’océan. A l’est la montagne descend vers l’intérieur du continent.