Le matin, derrière la maison
lorsque les autres dorment encore Charlie
remet le monde en place
Il marche seul
À pas lents et lourds, autour du pin
Le long des mûriers jaunes
Sur les feuilles et les herbes sèches
Il marche et dit des mots
Il dit les questions, il dit les réponses
Dix fois vingt fois
Jusqu’à ce que la journée soit prête
Il dispute avec lui-même se réconcilie et puis dispute encore
Et puis se réconcilie encore se met d’accord
« Oui, Ah oui » dit-il là -bas au bout après les mûriers jaunes
Il a dit les mots, il a dit les noms
Il a dit « Avant », il a dit « Après » et
pendant que tout le monde dormait
il a mis en ordre le temps
« Oui, Ah oui » a-t-il dit là -bas après les mûriers jaunes
La journée est prête mais pour autant
Il ne cessera de veiller sur elle
(Charlie a de longues jambes d’échassier, de marabout
les épaules étroites, la tête entre les épaules
et les coudes contre le corps comme des ailes repliées
mais les mains devant qui bougent les doigts
les mains sont les outils de la mémoire)