C’est à l’approche de Paris que le paysage fer est devenu paysage bois. L’eau dans les champs, lèche le seuil des petites maisons de jardiniers, recouvre les terrains de football dont n’émergent que les maigres portiques des cages de but. Même au pied des collines les ruisseaux sont des rivières, sont des fleuves.
J’en vois, j’en vois des visages et des corps dans ces wagons allemands enfumés. La nuit tombe, le ciel rougeoyait tout à l’heure au pied des champs de colza. Et celle-ci bouleversante lorsqu’elle s’est levée (taille cambrée, pantalon noir et fesses rondes, cheveux blonds, regard sauvage) dont la main si fine se reflétait devant moi dans la vitre, celle-là lit une vie de Jésus.
Je suis revenu, la bière m’a achevé, juste une pils, pas grand chose, vom Faß.
L’inondation, les blondes, le monde, ces paysages que je connaissais si bien, que je ne reconnais plus, tout neufs, refaits. Il reste bien quelques arbres encore couchés, seize mois après, mais le bois pour l’essentiel entassé, empilé, rangé le long de la voie, longs troncs empilés sur la croupe d’une colline, ceux-là, de valeur encore, arrosés depuis des tuyaux noirs qui les ceignent comme des écharpes, arrosés comme des fleurs, des légumes de jardin, comme des roses mais aussi amoncelés, éclats, sciure, brisures, obscène un peu, ou pathétique (« Fournitures de chauffage… ») semblable aux amoncellements de moutons, non pas comme ces deux ou trois ou quatre qui glissaient d’une cahute à l’autre au pied d’une de ces églises au grand beffroi carré qui ressemblent aux silos anciens de ces mêmes pays. « Buvez les bières de la croix de Lorraine ». Ici, quelques maisons, nombreuses, sont de belle pierre équarrie grise et jaune et cette publicité au bord du rail, couleurs chaudes, rouge, brun, orange, jaune, ce qui fut peut-être un vert, à demi effacés, fondues dans le mur, dans la couleur grise et jaune de la pierre et je me dis que chaque génération sans presque y penser, presque sans le vouloir, insulte la précédente.