Je la regardais jouer devant l’épicerie avec d’autres gosses. Je la voyais bavarde et autoritaire et puis rire aux éclats. Ce n’était pas la première fois que je la regardais ainsi depuis la fenêtre du salon, ce n’était pas une surprise mais comme chaque fois j’en avais un pincement au cœur de la voir si différente de ce qu’elle était avec moi. J’enviais les autres gamins autour d’elle parce qu’ils pouvaient voir de si près ce visage dans la forme du rire. Il y a déjà plusieurs années, lorsqu’elle était toute petite, elle me demandait de faire le loup, alors je faisais « Hou, le loup ! » et elle riait aux éclats en cachant ses yeux derrières ses mains ouvertes. Je m’émerveillais. Je l’ai refait, le loup, ici. Elle a souri et j’ai senti que je la gênais. Ces jeux-là n’étaient plus de mise entre nous. Elle les réservait aux autres enfants.