Il avait fait très froid cet hiver là. La neige était tombée jusque sur la mer et elle avait couvert les plages.
Après une journée sombre où il avait irrégulièrement neigé depuis la fin de matinée, il y eut deux chutes longues et denses pendant la nuit, d’une neige à gros flocons. Au matin elle avait fait la joie des enfants et des chiens. Les adultes aussi avaient ressenti l’ivresse de la neige. Ils étaient descendus nombreux sur les plages. L’eau salée absorbait instantanément les fragiles flocons mais sur la frange la blancheur de l’écume rejoignait celle de la neige avant de laisser en se retirant une lisière de galets sombres. En remontant ils avaient espéré qu’une nouvelle chute de neige viendrait recouvrir et effacer les traces dont ils avaient souillé cette blancheur qui leur avait été offerte.
Ce jour-là, le jour suivant, où le soleil avait mis partout l’éblouissement et le silence de la neige, ce fut comme si le ciel nous avait offert un dimanche. Les pêcheurs avaient pris leurs barques mais on n’avait pas beaucoup travaillé sur la côte. Les chiens se jetaient dans la neige, enthousiastes et surpris, sautant comme des renards, ouvrant la gueule pour happer cette manne élusive, ces animaux avides pour qui tout passe par la gueule.
Sur des planches, des vieilles portes dont ils s’étaient fait des luges, les enfants dévalèrent les rues qui joignent la ville haute à la Marine. Ils glissaient trop vite, tombaient, criaient et riaient et remontaient avec leurs luges improvisées. Et les chats installés leurs pattes sous eux au rebord des fenêtres ou assis droits au bord des portiques où ils attendent le retour des pêcheurs considéraient tout ça, la neige, les chiens, les enfants, avec méfiance et, aurait-on dit, un peu de désapprobation.