Rêve

Nous sommes sortis de la voiture. Nous étions à l’Est de la ville, du côté des usines et du cimetière, sur une éminence où la route fait un virage qui surplombe la vallée et de là on voit une église sur la rive du fleuve, une église de briques et de pierre grise. J’ai étendu le bras et j’ai expliqué que l’arrivée sur la ville, de l’autre côté, par où j’étais arrivé la première fois, ressemblait tout à fait à ça sinon que l’église de l’autre côté est plus grande, plus ancienne et plus belle et que la route qui arrive là aussi droit sur le fleuve au lieu de faire un angle droit et de remonter le fleuve, descend par un large virage jusqu’au pont et au quartier ancien.

Nous avons garé la voiture sur la petite esplanade couverte de gravier contre l’église. Sous l’église qui domine le fleuve de sa silhouette sombre, gothique et hérissée, des jardins descendent en gradins et banquettes de buis jusqu’à la surface de l’eau.

Le ciel était couvert et il avait plu. Yoko était arrêtée en haut des escaliers, mécontente, sa fille m’expliquait qu’elle avait peur de descendre ces escaliers aux marches glissantes. Je me sentais désolé et coupable. Je lui ai donné le bras et nous sommes descendus ainsi jusqu’en bas, lentement, elle agrippée à mon bras, finalement confiante. En bas sur la dernière plateforme, tout près de la surface noire du fleuve il y avait une buvette, un faux chalet de bois et une compagnie de vieilles gens qui causaient, plaisantaient et buvaient: du thé, du vin chaud ou de l’eau gazeuse. L’un d’eux, un solide vieillard aux cheveux drus et blancs, nous expliqua qu’ils étaient « la compagnie du sonotone » et qu’ils se réunissaient ici deux fois par an pour s’amuser, chanter ensemble et se compter et il nous invita à les rejoindre boire un verre. Sur une table posée là et sur une serviette blanche étendue sur la table ils avaient déposé leurs appareils auditifs. J’avais demandé à Yoko si elle sentait la proximité du fleuve, sa fraîcheur et son odeur. Et, tandis qu’autour de nous dansaient des vieilles qui de leurs bras faisaient des grimaces nous avons chanté Heidenröslein, dans la version de Schubert qu’elle connaissait seule puis je lui ai chanté le lied dans sa version populaire, que ma mère m’avait apprise et que j’ai à présent oubliée.