arrivés

Nous sommes arrivés une nuit de pleine lune. C’était la seconde fois. Nous avons entendu un chien crier parce que quelqu’un lui avait donné un coup de pied. Nous avons suivi des rues incurvées, dans la lumière blanche de la lune, au milieu de la caravane d’ânes, en silence, dans des faubourgs où les feuillages des arbres, figuiers et manguiers, débordaient des murs blancs au-dessus de nos têtes. Nous avons traversé une place où tout un troupeau de vaches avait pris sommeil. C’était la seconde fois mais je ne reconnaissais rien, sauf des odeurs, incertaines pourtant, ou banales, une odeur de fumée ou de brûlé qui me saisit comme nous traversions une avenue où tous les magasins avaient baissé leur rideau de fer.

Les feuillages faisaient sur les murs blancs une ombre dans la nuit, un tunnel d’ombre dans lequel nous cheminions. Et nous avons traversé cette avenue où les rideaux de fer étaient baissés, l’un à côté de l’autre, où il y avait des vaches aussi qui dormaient les yeux ouverts mais beaucoup moins nombreuses. Et un grand taureau pâle était debout là immobile, tout de muscle et de graisse, des cornes grandes en forme de lyre, l’épaisse et haute bosse, les replis en écharpe et les fanons pendants, qui semblait l’Être immuable au milieu du chaos.