Ton visage est un écroulement

Si je levais sans cesse mes yeux, si j’envoyais sans cesse mes yeux à droite à gauche, c’était moins par crainte de manquer son apparition que pour la susciter.

Ton visage est un écroulement, c’est pourquoi j’aime ton visage et pourquoi je défaille en sa présence. Il est comme l’écroulement de hautes colonnades, non pour se précipiter à terre mais pour basculer dans le vide.

Pour voler il faut d’abord tomber, chaque petit oiseau a appris ça une fois dans sa vie.

Ce sont tes yeux, comme l’envol de deux tourterelles donnerait le premier ébranlement, oui, comme leurs corps doux et clos s’ouvrent, leurs ailes se déploient en claquant dans l’air vide (au-dessus des sables Baalbek, dans l’air vide et bleu) et les colonnes accrochées si haut qui les abritaient s’élancent derrière elles

et je te suis alors dans le vertige.

Voilà ce que j’ai vu: l’éveil et l’envol de colombes, un calme effroi et j’ai entendu les claquements doux et nets de leurs ailes et les colonnes hautes du mur de scène les ont suivies, éperdues, dans l’azur mais l’instant d’après les deux oiseaux avaient disparu de l’autre côté du ciel et le mur de scène était toujours là, debout,

la nuit revenue, le mica des étoiles dans tes boucles

J’ai le monde en moi mais la barque de tes yeux? Voilà: je m’endors et l’odeur de la mer, c’est toi, les craquement de la mature, c’est encore toi, j’ouvre un œil et le balancement des étoiles, c’est toi, cet inconfort et ce demi sommeil aussi, et la dureté des planches qui blesse ma hanche, et l’humidité poisseuse de mes vêtements, toi. Et puis la brusque chaleur des premiers rayons de soleil, et plus tard le frappé des rames dans la mer. Tant qu’on me laisse là gisant au milieu du navire, dans tes yeux.