J’ai plusieurs fois jeté un coup d’œil vers l’arrière où était la jeune fille japonaise. Elle était assise toute droite au milieu d’une banquette. Nous sommes nous rapprochés à la descente du bus? Avons-nous pénétré ensemble dans la gare? Les bâtiments principaux étaient de l’autre côté des voies que des passerelles métalliques enjambaient. L’ai-je aidée en portant son sac ou n’était-ce que le mien qui pesait sur mes épaules?
J’ai fait un aller-et-retour pour rien. En haut, sur les passerelles, allaient des hommes qui portaient de gros ballots carrés et des femmes étaient assises sur des carrés de tissu.
Ou bien l’ai-je retrouvée devant le bureau du chef de gare? Le chef de gare n’a pas daigné la renseigner. De derrière son bureau au milieu de la pièce presque vide il a fait un mouvement de la main pour la chasser, alors je suis rentré à mon tour et j’ai demandé au chef de gare d’où partirait le train pour Bénarès. Elle avait manqué le train de 20:30. J’ai demandé au chef de gare s’il y aurait encore un train pour Bénarès cette nuit et d’où il partirait. Il m’a dit que les horaires étaient affichés sur le quai.
Le panneau est entre le bureau du chef de gare et les portes des salles d’attente. Je repère mon train, le Magadh Express, quai 3, et le sien, le Brahmaputri Mail, je lui montre la ligne, son train passe dans une heure.
A ce moment-là j’avais presque une compagnie, qui me plaisait et m’embarrassait. Mais ça ne dura pas. Nous nous dirigions ensemble vers la salle d’attente des premières lorsque sont sortis de l’ombre deux Japonais puis un troisième. Habillés de vêtements crème qui semblaient élégants et confortables. Elle parût soulagée et se mit à leur raconter sa situation. Je ne comprends pas le japonais mais je devinais et à moment donné l’un des jeunes hommes leva brièvement vers moi un regard qui n’était pas inamical mais plutôt indifférent. Puis ce furent eux qui parlèrent. Elle m’expliqua que leur train passerait vers les quatre heures du matin. Ils vont à Bénarès eux aussi mais ils doivent rejoindre des amis dans le train de 4 heures. Et nous rentrâmes ainsi, tous les cinq, dans la salle d’attente des premières où n’était assis qu’un homme maigre, aux cheveux blancs et à la peau très brune, un Indien, qui lisait le journal.
Nous nous assîmes, moi un peu en retrait, et je profitai de ce que la conversation se tenait en japonais et de ce que j’en étais par conséquent, même si une ou deux fois elle se tourna vers moi pour échanger deux phrases, exclu pour noter schématiquement le déroulement de ma journée. Il était 20:50 (il y a des contradictions dans mes indications horaires, que je ne corrige pas). J’aurais eu amplement le temps de noter plus que le squelette de journal, télégraphique et lacunaire, que j’interroge et interprète en tâtonnant aujourd’hui, j’aurais eu le temps de noter ce qui aujourd’hui me manque mais je préférai lever souvent mes yeux du carnet où j’écrivais pour observer mes compagnons de rencontre.