Je suis revenu avec le numéro du quai d’où devrait partir le bus pour Tundla. J’avais été aidé par un homme d’une trentaine d’années qui parlait anglais et qui allait lui aussi à Tundla avec deux compagnons plus jeunes.
J’ai repris mon sac et nous sommes allés ensemble, elle et moi, jusqu’au quai. Je lui ai montré la pancarte où était écrit « Tundla » en devnagari, qu’elle ne savait évidemment pas lire et que j’avais appris à déchiffrer. Et puis je l’ai perdue de vue. Je ne voulais pas m’imposer, d’autant moins qu’elle était jeune et jolie et que je croyais percevoir qu’elle se méfiait un peu, sans doute que je lui paraissais étrange et qu’elle ne savait trop dans quelle catégorie me ranger. Je n’ai pas voulu m’imposer. Elle s’est éloignée et je l’ai perdue de vue. Peut-être était-elle allée vérifier les informations que je lui avais ramenées. Un bus est venu se garer sur le quai de Tundla, vide, le chauffeur est descendu, la porte est restée fermée derrière lui. Le nom de Tundla était écrit sur une pancarte sur le flanc de l’autocar. J’ai attendu un long moment que les portes se rouvrent et que revienne le chauffeur. Et puis l’amical Indien qui m’avait aidé tout à l’heure m’a fait signe de le rejoindre, lui et ses compagnons: un autocar venait d’arriver un peu plus loin, sur une trajectoire perpendiculaire et se vidait. Je lui ai demandé si celui devant lequel j’attendais n’était pas le bon, il m’a expliqué que celui qui venait d’arriver serait plus rapide.
Le bus s’est trouvé à demi rempli et nous avons attendu que revienne un chauffeur. Nous attendions depuis plusieurs minutes, un bon quart d’heure et je me suis retourné vers le bus à quai, celui devant lequel j’avais attendu, et j’y ai vu assise, seule, la jeune Japonaise. Je me suis levé. L’homme qui m’avait pris sous sa protection m’arrêta, me demanda où j’allais, me dit qu’il ne fallait pas descendre. Je lui ai expliqué, Japanese girl. Il a eu l’air de trouver ça drôle. Mon sac était glissé sous la banquette où nous étions assis. Je suis allé jusqu’au bus à quai, j’ai tapé contre la vitre et j’ai fait signe à la jeune fille de descendre. Elle est descendue avec son gros sac rouge, je l’ai amenée avec moi et elle est allé s’asseoir sur une des banquettes de l’arrière. Moi je me suis rassis sur la banquette près de la porte, une banquette en long, perpendiculaire aux autres et qui faisait face au poste du conducteur. Nous avons attendu une bonne heure que monte le chauffeur. Entretemps le premier bus a démarré. J’ai croisé le regard de la jeune fille et je lui ai souri pour la rassurer. Mais j’étais inquiet pour elle, je craignais de lui avoir fait faire une bêtise, de lui avoir fait manquer son train pour Bénarès.
La nuit était tombée lorsque le bus a enfin démarré.