Depuis que j’ai raconté cette histoire, je me suis mis à y croire. Je vais à l’hôtel, jusqu’à sa chambre. Je saute à sa fenêtre. Elle est à sa toilette. Ce n’est pas le méchant frère qui la mate, à présent, c’est moi, moi-matou. Et lorsqu’elle se couche, je m’enhardis à m’approcher de son lit, moi, chat. Elle m’aperçoit et me dit, riant, « Ô mon petit biss, alors ton désir était encore une fois si fort que tu t’es à nouveau changé en chat. » Sur le coup, je n’y ai pas fait attention, moi, chat, j’ai surtout compris qu’elle m’invitait à sauter sur le lit. Et enhardi que j’étais, il ne m’en fallait pas plus.
Ah, si, j’ai pensé, moi, chat, j’ai pensé: « Je suis un chat. » parce qu’elle avait dit que je m’étais changé en chat. Je n’y ai pas plus pensé (essayez un peu d’imaginer ce que peut être la pensée d’un biss), je ne me suis plus soucié que de ses caresses, du son de sa voix et de l’odeur de sa peau. Mais ensuite, homme, j’ai ressenti une terreur sacrée à me dire qu’elle m’avait reconnu puis je m’en suis enivré. Je me disais qu’elle m’avait reconnu mais qu’elle ne l’avait pas su. Que ces paroles (je me suis rappelé chacune de ses phrases, l’une après l’autre, et chacun de ses mots alimentait mon ivresse) s’adressaient bien à moi mais qu’elle ne savait pas que je les entendais, et pourtant elle comprenait chacune de mes réponses, elle m’entendait lui répondre et ne savait pas que je l’avais d’abord entendue. Et, sans doute, sa reconnaissance était d’autant plus complète qu’elle était inconsciente.