Biss 2.1.

Elle dit : La lumière du soleil me tuerait. Elle me brûlerait. La lumière du soleil brûlerait ma peau.

Une image entre alors dans mon esprit, semblable à un très vieux souvenir. J’y vois une femme à la peau noire et je me dis: elle seule pourrait te guérir.

La lumière du soleil brûlerait ma peau. Elle, la lumière de la lune, est mon amie. Parce qu’elle est froide. C’est pourquoi je suis venue dans ce pays, parce que le ciel y est plus pur et je veux voir le monde par une nuit de pleine lune. C’est que je suis mauvaise, il y a un mal en moi et la lumière du soleil me punit. Mon frère veille sur moi, me protège du soleil. Et tu vois comme je suis mauvaise puisque je me suis éloignée de sa protection et que je lui mens. Je suis mauvaise comme la lune est mauvaise.

Je savais qu’il était au bordel, lui, le roux, lui le véritable mauvais, le méchant.

Il parlait en français à la fillette qui était avec lui. Lui, qu’il soit maudit, lorsqu’il voulait qu’elle le comprît, il lui parlait en arabe mais lorsqu’il ne le voulait pas, il lui parlait en français. Il se croyait alors en sécurité mais moi j’étais dans la cellule d’à côté, seulement séparé d’eux par une épaisse tapisserie. Il est le seul blanc à venir dans ce bordel, il se croit protégé par son compagnon de débauche, un arabe infâme du nom de Umar ben Fawad ben Uthman al-Husnî, mais je sais comment il finira: un jour toute protection lui fera défaut.

Lorsque je lui raconte ce que je sais de son frère, elle ne montre aucune angoisse, elle ne se met pas non plus en colère, elle rit et me dit: « Quel menteur tu fais pour me distraire, petit arabe. » Elle m’appelle souvent ainsi: « petit arabe ». Je lui dis que je ne suis pas arabe. Alors elle m’appelle « Nimitz » et je me sens plus mortifié encore parce que je ne sais pas ce que ça signifie.