Alexandrie

La ville où je suis né et où j’ai grandi est au bord de la grande mer. Elle tourne le dos au pays.

En hiver de noirs nuages montent de la mer et couvrent le ciel. Bientôt une pluie glacée tombe sur la ville. Ces jours-là ma mère se plaignait de ses rhumatismes et je gardais les mains au-dessus du fourneau. Je revenais vite du lycée, je ne m’arrêtais pas en chemin pour lécher les vitrines des libraires mais souvent, sans cesser de me hâter, je faisais le détour par le front de mer et je passais le long de la mer, déserte, plate et aussi sombre que le ciel.

Je travaille toute la matinée les persiennes tirées devant la fenêtre pour me protéger de la lumière qui, du lever du soleil à son coucher, inonde la place de la gare. Et tandis que j’écris je pense aux mendiants qui se prélassent sur les marches du parvis et je me dis qu’ils ne connaissent que ce ciel, qu’ils ne connaissent pas la pluie ni les formes que l’eau modèle dans le ciel.