L’Armée (7/10), 2ème récit (3/5), la tour

De l’autre côté du fleuve chacun se réjouit mais l’un des rois dit à l’autre: « Aujourd’hui nous aurions pu trouver notre perte. Nous avons été jusqu’à présent bien imprudents et trop confiants. Comment avons-nous pu croire qu’un ennemi qui nous a forcé à reculer jusqu’ici se laisserait arrêter par un peu d’eau. Depuis que nous avons installé le camp au bord du fleuve, c’est moi qui ai le commandement et je m’aperçois de mes erreurs. Cousin, prenez le commandement, quant à moi j’aimerais retourner quelques jours dans ma ville. » L’autre répond: « Vos paroles sont amères. C’est être trop sévère pour vous-même. Je prendrai le commandement à condition que vous le repreniez dès votre retour. » Il n’est pas midi, le roi pourra être en ville avant la nuit.

En même temps que le roi, arrive à la ville la nouvelle des évènements du matin. Le roi s’entretient avec les dignitaires du palais puis se retire dans les appartements privés. La reine vient au-devant de lui et lui fait fête: « Sûr que l’ennemi retournera bientôt chez lui. » Le roi fronce les sourcils: « D’où tenez-vous ces inepties? » La reine pâlit: « C’est ce que tout le monde répète. » Elle se rapproche en mignardant, il l’écarte: « Je vais dans la pièce du haut, je veux être seul, faites monter une joueuse de cithare et un repas froid. »

Au milieu du palais il y a une tour, c’est le dernier étage de cette tour qu’on nomme la pièce du haut. De cette pièce le roi peut voir tout le parc et la ville au-delà des murs qui ferment le parc. Au milieu de la pièce est dressé un grand châlit fermé par des rideaux de soie verte. Le roi regarde le parc. A l’origine il y avait une source et de cette source coulait une petite rivière vers le fleuve. L’eau surgissait, la source jaillissait en bouillonnant et autour de cette eau poussait un petit bois, tout seul au milieu de la steppe. La source coule toujours mais le lit de la rivière est sec.

Le soleil s’est couché et le ciel reste clair. Le roi cherche un auspice. Il n’y a d’oiseaux qu’en bas, dans le parc, à chanter, aucun dans le ciel. La joueuse de cithare est entrée, s’est prosternée mais le roi n’a pas fait attention à elle. Elle s’est mise à jouer très doucement. Le roi reste à la fenêtre jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de lumière que des torchères qui flambent près des pavillons. Il ne trouve à cette contemplation ni bonheur ni apaisement. Il s’avise du repas posé sur une table basse. Il mange et tandis qu’il mange il décide de retourner le lendemain au camp où est sa place.