Nous allions chaque jour jusqu’à la maison où était logé le général, pour avoir des nouvelles et des rations de nourriture.
Le général avait interdit qu’on sortît de la ville autrement qu’en troupe. Néanmoins, comme, à cause du peu d’hostilité apparente de la population, la garde n’était pas montée très vigilante aux portes de la ville, nous sortîmes un après-midi, le vieux et moi, hors des murs. Il n’y a pas de faubourg autour de la ville, pas de construction, sauf deux fois l’an, les jours de marché, lorsque les nomades dressent leur campement contre la muraille. La ville est sur un plateau immense et sans relief mais à l’horizon que le vent dégage on devine une chaîne continue de montagnes blanches. La végétation est médiocre autour de la ville. J’ai déjà dit que le sol était dur comme la roche et recouvert d’une mince couche de neige, assez mince pour épouser la forme de chaque caillou. Nous avons marché jusqu’à un bouquet d’arbres rabougris, dans la direction des montagnes. Le vent soufflait du nord, agitant nos cheveux et les pans de notre vêtement, que nous tâchions de tenir serrés de peur qu’ils ne s’envolent. Nous marchâmes à pas rapides et à grandes enjambées, les yeux levés vers le ciel uniforme. A l’abri précaire des arbres j’allumai un feu entre des pierres pour réchauffer nos mains. Nous nous étions assez éloignés de la ville pour que, le bras tendu, mon pouce la couvrît entière. Aucun obstacle ne la dissimulait. Nous restâmes accroupis environ une heure contre le feu. Le vent couchait les flammes bien que j’avais tâché que les arbres les abritassent au mieux. Le vieux arracha des touffes d’herbes sèches au pied des arbres, qu’il plaça vivement dans le feu. Elles firent une fumée blanche, épaisse et odorante que le vent secouait et dispersait tout de suite. Lorsque nous repartîmes le vieux jeta encore une poignée sur les braises.