Les Autels d’Alexandre (4/6), la maladie de Nemo (3/3), une place

Elles habitaient le quartier est. Il fallut donc traverser toute la ville, presque en diagonale. Ils longèrent des maisons de trois étages, sculptées, plantées comme des bornes. Les rues grouillaient. Nemo sans cesse bousculé avançait avec peine. Les filles durent le soutenir. Ils arrivèrent dans un quartier plus calme. Une maison basse sur une place carrée. Nemo s’assit tremblant de fièvre.

La rechute fut grave. Radda abandonna l’hôpital pour le soigner. Julie y volait des médicaments. Pendant plusieurs mois il garda le lit. Au printemps les accès de fièvre s’étaient espacés et il pouvait se lever. Radda trouva à s’employer comme interprète dans une administration. Du passé de Radda et de Julie il ne sut jamais rien. Et elles du sien ce qu’il avait dit dans son délire.

La maison comporte deux pièces. La plus grande est carrée. Un four de terre, des ustensiles de cuisine, une table, quatre chaises, un coffre et un lit. Dans le mur de façade une porte et une fenêtre, dans le mur du fond une porte ouvrant sur une cour et une lucarne. L’autre pièce est étroite. Une lucarne sur la cour, une fenêtre sur la place. Un lit, un tabouret, un coffre et une petite table sous la fenêtre où sont posés un broc et une cuvette. Julie avait laissé son lit à Nemo et partageait celui de Radda. Elles y couchaient alternativement ou ensemble.

Derrière la maison, au centre du bloc, il y a une cour. Dans la cour pousse un figuier. Près du figuier il y a un puits à l’usage des circonvoisins. Souvent des femmes se tiennent dans la cour, à l’ombre du figuier ou d’un avent de paille. Nemo les entendait de son lit.

Les voies du quartier est sont larges et régulières, elles se coupent à angle droit. Des places ombrées de platanes. Les toits sont plats. De temps à autre passent des processions que Nemo entendait. Les pas, la musique et les chants.

Nemo dicta un message à Julie.

Fluski vint le lendemain. Nemo le reçut alité. Il lui raconta son histoire. L’autre nota scrupuleusement les renseignements puis il parla: « La situation a beaucoup évolué pendant votre maladie. Pour le Bureau l’important est que vous vous rétablissiez. On verra que faire de vous ensuite. » En partant il voulut donner de l’argent à Julie, elle refusa.

De ce jour, Fluski revint régulièrement visiter Nemo. Il apportait des livres et des cigarettes, donnait des nouvelles. Il arrivait en fin d’après-midi, quand Nemo était seul, restait une heure ou deux.

Nemo passait ses journées à lire, dans son lit ou assis à la table de la pièce principale. Jusque là il n’avait jamais eu le loisir de s’occuper de littérature.
Le 11 juin: « Vous ne pouvez plus rester ici. Tôt ou tard vos promenades dans le quartier vous feront reconnaître. Ou quelqu’un s’inquiétera de votre identité. J’ai une maison de l’autre côté du fleuve, je vous hébergerai. Dès que possible vous rentrerez en Europe. Ce sont les ordres du Bureau. »