LE SOLEIL diffuse à travers une couche nébuleuse uniforme et ténue. La mer était agitée mais la traversée se fit sans danger. Au matin le brouillard ne cache plus l’île sur l’horizon. La côte par ici est abrupte, falaises jaunes, on voit du pont la neige partout déposée en bandes plus ou moins larges selon l’étendue et l’inclinaison de la surface. Sur la gauche, où progressivement diminue la hauteur des falaises, de longues et basses constructions de bois clair, elles aussi finement recouvertes et soulignées de neige, suivent les courbes du terrain. Tandis qu’on s’approche le ciel s’obscurcit, bientôt noir et la neige recommence de tomber. On aperçoit quelques pins. Le navire suit à présent la côte puis s’engage dans un fjord au fond duquel il y a un port et une petite ville derrière. C’est dans cette ville qu’habite l’ami dont une lettre nous est parvenue quelques jours plus tôt, une maison sur la pointe d’une petite colline, de bois clair, sans étage, avec une galerie sur le devant où après avoir tiré la sonnette nous avons secoué à grands coups du plat de la main la neige de nos manteaux. Nous sommes chaleureusement accueillis. Le dîner nous attend. Un responsable est là. Il parle tandis que nous mangeons. Parfois mon ami l’interrompt, demande des détails, fait des remarques ou des objections, nous explique à son tour. L’autre repart après le dîner. Nous avons encore parlé jusque tard dans la nuit, peu d’autre chose que de politique, pour écarter les dernières réticences. On nous invite à rester dormir mais je réponds: « Ce n’est pas possible, on nous attend sur le bateau qui doit dès l’aube appareiller pour nous amener à la capitale. » La neige et le vent ont cessé. Nous descendons par une rue étroite jusqu’au quai. Dès l’aube le bateau appareille. Il suit la côte jusqu’au grand port de la capitale. En nous laissant le capitaine dit: « Dans soixante-dix jours mon bateau mouillera l’ancre en face du fjord. »